Un grand pas été franchi cette année en matière de robotisation de l’itinéraire cultural de la betterave. Pour la première fois en France, deux agriculteurs bio ont effectué les semis et le désherbage de leurs betteraves. « Le FarmDroid est la seule solution actuellement commercialisée pour effectuer ces deux opérations », note Guillaume Brisset, ingénieur à l’ITB.
Binage sans caméra avec FarmDroid
Le FarmDroid FD20 est un robot autonome alimenté par panneaux solaires qui, en utilisant des signaux GPS RTK, enregistre l’emplacement de chaque graine sur les six rangs au moment du semis. Il peut ensuite revenir au même endroit et détruire les adventices entre les rangs et sur le rang, à quelques centimètres de la plantule de betterave.
L’originalité du FD20 est qu’il ne dépend pas d’une caméra pour la reconnaissance des cultures ou des mauvaises herbes. Il peut donc commencer les travaux de désherbage avant que les plantes ne germent. « Le robot géolocalise les emplacements de chaque graine et il vient biner ensuite autour de chaque plant. Il est autonome, il peut travailler aussi la nuit et il n’a pas besoin d’être rechargé. Cette machine peut assurer le semis et de binage, sans chauffeur et sans fuel. Il peut être rentabilisé sur 20 ha en 2 ans », assure Niek Jansingh, gérant de Stecomat, la société qui importe ce robot du Danemark. Le FarmDroid FD20 a déjà semé et désherbé une grande gamme de cultures entre autres, des oignons, des betteraves, des épinards, du chou frisé, de la valériane, des graines de fleurs et du colza. Il y en aurait environ 130, essentiellement en Allemagne et au Danemark.
En France, il y en a quatre en tout. Ce robot est aussi testé par le groupe sucrier Cristal Union sur une parcelle de 10 hectares dans le but de mesurer son efficacité et de calculer le coût économique. « Nous avons commencé à travailler sur la robotique avec le développement de la betterave biologique afin de diminuer l’utilisation des produits phytosanitaires », explique William Huet, responsable du département agronomie de Cristal Union. « Nous avons travaillé sur le guidage par caméra et l’identification des plantes. D’abord avec le système Garford monté sur une bineuse, puis nous avons équipé le robot Naïo pour le brûlage des adventices au laser avec le système Greenshield. Le point commun est la reconnaissance par caméra, mais cette technique ne permet pas de faire du désherbage très précoce. Avec FarmDroid, on peut intervenir même quand les betteraves ne sont pas encore levées grâce à la localisation et faire du binage à l’aveugle sur les rangs et entre les rangs ».
Pulvérisation dirigée par caméra pour Ecorobotix
De son côté, Tereos teste un autre concept sur sa ferme de Chevrières (Oise) : la pulvérisation localisée sur l’adventice grâce au guidage par caméra. Le groupe sucrier travaille avec la société suisse Ecorobotix, qui a créé le robot de désherbage Avo fonctionnant à l’énergie solaire, capable de pulvériser l’herbicide à la racine et à la bonne dose. Cette année, Tereos se concentre sur la détection et le ciblage des mauvaises herbes par caméra. Dans cette optique, une rampe de 6 m de large, attelée à un tracteur, est équipée d’une caméra de haute définition permettant de distinguer les betteraves des adventices. Grâce à son système de vision et à l’intelligence artificielle, la caméra détecte les adventices et les buses pulvérisent une microdose d’herbicide au centimètre près, ce qui réduit jusqu’à 90 % le volume de produit phytosanitaire utilisé, tout en épargnant les cultures. « Nous sommes en train de créer des références techniques avant de les transférer vers les coopérateurs », déclare Francis Bazelaire, ingénieur agronome, responsable de la ferme Tereos.
Caméra et binage pour le BlueBob
Un troisième intervenant s’intéresse aussi au désherbage des betteraves par les robots : le groupe semencier Deleplanque Srube s’est associé à la start-up française Naïo Technologies. Le pré-prototype qui a été dévoilé en septembre dernier évolue de manière autonome, guidé par GPS RTK, à une vitesse maximale de 4 km/h, grâce à ses moteurs électriques et à une batterie fournissant actuellement une autonomie de 8 heures. « Le BlueBob sera destiné à biner mécaniquement sur et entre les rangs de betteraves, depuis le stade 2 feuilles jusqu’à la fermeture des rangs, à une vitesse d’au moins 0,5 ha/h. Il intègre un système de caméras multispectrales embarquées alimentant des algorithmes, qui analyse les plantules à partir des images qu’il prend pour distinguer ensuite les betteraves et les adventices, puis décider en temps réel d’activer ou pas les couteaux du robot pour biner sur le rang », explique Bruno de Wulf, chef de projet BlueBob chez Strube. Le BlueBob a réalisé ses premiers désherbages sur 6 rangs, dans la Somme, le 19 avril dernier.
2021 marque donc l’arrivée des robots dans la plaine betteravière française. Des innovations qui annoncent une petite révolution dans la manière de travailler. A l’avenir, ils seront peut-être pilotés par un superviseur qui s’occupera de plusieurs robots en même temps. Cantonnés aujourd’hui aux cultures à forte valeur ajoutée, les robots devraient pouvoir se développer quand ils seront polyvalents.
Greenshield Technology désherbe au laser
La start-up Greenshield, créée en mai 2016, spécialisée en agronomie et en mathématiques, développe des solutions de désherbage sur le rang de betterave grâce à un module laser de destruction qui peut être embarqué sur un robot ou sur une bineuse tractée par un tracteur.
« Des caméras détectent les jeunes adventices, un laser de guidage pointe son faisceau vert sur la base de la tige et un laser de destruction, comme ceux utilisés pour la découpe du carton ou du métal, envoie une brève impulsion qui brûle et coupe la plante. La destruction prend moins d’une demi-seconde », explique François-Gabriel Feugier, cofondateur de la start-up Greenshield Technology. La consommation électrique demandée équivaut à une ampoule de 100 Watt. La start-up a déposé un brevet européen mêlant des algorithmes de reconnaissance des adventices, de l’optique et de l’intelligence artificielle.
Un prototype a été testé sur une parcelle de betteraves en septembre dernier. Monté sur le robot Dino de Naïo, il sera présenté lors des Culturales sur la plateforme Terrasolis près de Reims, du 15 au 17 juin prochain. Greenshield prévoit une mise sur le marché du dispositif pour l’été 2022.
Dans un futur plus lointain, le laser pourrait être utilisé pour combattre les pucerons. Star war n’est plus loin. Le sabre laser sera peut-être la nouvelle arme contre la jaunisse ? Que la force soit avec toi !
Témoignage de Damien Blondel, betteravier à Ludes (Marne)
« Mon FarmDroid devrait être amorti en trois ans »
« Cela fait plusieurs années que je regarde évoluer le FarmDroid sur internet. Je suis encore en train de l’apprivoiser. Il faut par exemple revoir le positionnement de la betterave dans l’assolement pour limiter la présence de racines de luzerne qui se bloquent sur les éléments de la bineuse », explique Damien Blondel tout en vérifiant les paramètres sur son smartphone. Agriculteur biologique à côté de Reims, il est le premier planteur français à utiliser le robot pour semer et biner ses betteraves avec un robot. « C’est la manœuvre qui conditionne la rentabilité de la betterave bio. L’année dernière, j’ai dépensé 30 000 € pour le désherbage. Le coût d’achat de 100 000 € devrait être amorti en trois ans. Une dizaine de passages est programmée avant la couverture du sol ».
Les robots bientôt sur les bancs d’essais
« La robotisation commence à s’imposer avec le retour du binage, une tâche répétitive qui multiplie les passages », constate Michel Berducat, directeur adjoint de l’Unité de Recherche TSCF (Technologies et Systèmes d’information pour les agrosystèmes), de l’Inrae de Clermont-Ferrand. « Naio est arrivé avec des petits robots de binage pour le maraîchage. Puis ils ont grandi et aujourd’hui, le Dino a désormais la capacité à traiter des grandes cultures comme la betterave. Le marché des robots est encore peu réglementé. Quand on achète un tracteur, on parle puissance, couple disponible. Des données que l’on ne trouve pas sur les robots aujourd’hui. L’Inrea de Clermont Ferrand va travailler sur ces questions. Nous allons proposer aux constructeurs de passer leurs robots sur des bancs pour qualifier leur puissance et leur autonomie énergétique ».