Si la guerre en Ukraine a été dévastatrice pour l’agriculture ukrainienne, puisqu’on évalue les pertes de récoltes, de destruction de matériel et d’outils industriels à 40 milliards d’euros, l’impact du conflit semble avoir de moins en moins de poids sur les cours mondiaux des oléagineux. Sur les marchés Fob Moselle et rendu Rouen, les cours du colza ont glissé sous le seuil de 600 €/t à 584 €/t le 29 novembre, un niveau de prix inférieur à tous ceux enregistrés depuis un an, sauf début septembre où ils étaient tombés à 572 €/t. La graine de tournesol connaît une chute encore plus importante, plongeant à 630 €/t, quand elle était encore à 735 €/t il y a un mois.
Le reflux des prix a commencé dès l’annonce de la prolongation de l’accord permettant aux Ukrainiens d’exporter des céréales via le port d’Odessa. La Russie n’avait visiblement pas le choix. La première rupture de l’accord, après l’attaque de sa flotte à Sébastopol, n’avait pas duré plus de quatre jours, sous la pression des pays importateurs et de toute la communauté internationale. Et la Turquie, qui parraine cet accord, a des moyens de rétorsion potentielle, via les détroits du Bosphore et des Dardanelles, passage obligé de la mer Noire à la Méditerranée. Autrement dit, la Turquie peut bloquer toutes les exportations et tous les accès par voie de mer à la Russie.
Dès lors, les volumes disponibles en oléagineux sont en train de s’accroître et les cours en subissent les conséquences. Outre les volumes d’exportation de la Russie et de l’Ukraine, les volumes augmentent aussi avec le retour de la bonne récolte au Canada. D’après les douanes, les importations de canola en Europe dépassent les 3 millions de tonnes depuis le 1er juillet, un tiers de plus que lors de la période précédente correspondante. La hausse de l’euro face au dollar renforce les moyens financiers des industries de trituration européennes pour importer, de même que la chute drastique des cours du fret maritime pour les céréales, de l’ordre de 30 % entre le Canada et l’Union européenne, et enfin la baisse des cours de l’énergie, avec un Brent aux alentours de 85 $.
Il y a peu de chances que ce climat de baisse s’inverse à court terme. La demande domestique des consommateurs va logiquement se contracter, compte tenu de l’inflation qui frappe le pouvoir d’achat des ménages sur l’alimentation et l’énergie. À l’export, la situation de la Chine ne cesse d’inquiéter, entre sa politique anticovid qui nuit à son économie, les manifestations qui en résultent malgré les craintes de répression, et une monnaie qui se dévalue. Et avec une réduction des achats de la Chine sur le marché mondial des oléagineux, les prix resteront sous pression.