Depuis le 19 novembre dernier, le corridor humanitaire sur la mer Noire a été reconduit durant 120 jours, puis tant que l’Ukraine et la Russie ne s’y opposeront pas. Cette décision, qui ne concerne que les ports ukrainiens, a rassuré les marchés.
La baisse des cours des céréales engagée depuis le 2 novembre dernier s’est donc poursuivie. Le 28 novembre dernier, le cours du blé sur le marché de Rouen (318 €/t) était inférieur de 40 € à son montant observé au début du mois. L’ensemble des prix des céréales retrouve même, à 10 ou 20 € près, leur niveau déjà très élevé de l’année passée, avant qu’ils n’eussent flambé à plus de 450 €. En fait, les cours des grains ne cessaient de progresser depuis la récolte 2020, à la différence près que les coûts de production étaient bien plus faibles.
Le cours du Brent est lui aussi seulement supérieur d’une dizaine d’euros à son niveau de l’année passée. La croissance de l’économie mondiale ralentit.
Récoltes décevantes dans l’hémisphère sud
Cependant, les marchés agricoles réagissent à la moindre alerte provenant du front ukrainien alors que dans l’hémisphère sud, les prévisions de récoltes, un peu plus décevantes chaque semaine, n’ont pour l’instant aucun impact sur les cours des grains.
Selon le Conseil international des céréales (CIC), seules 13 millions de tonnes (Mt) de blé seront récoltées en Argentine (- 9 Mt sur un an). Une grande partie du blé australien ne serait pas de qualité meunière, alors que la récolte serait proche de son niveau historique de l’an passé (34,7 Mt ; – 1,6 Mt).
A contrario, une chute des cours mondiaux paraît inévitable si le trafic maritime dans les ports russes et ukrainiens s’intensifie fortement sous la pression de l’offre.
Cette idée affole déjà l’ensemble des céréaliers des pays exportateurs de la planète, y compris en Russie où les prix payés aux agriculteurs sont déjà inférieurs aux coûts de production de la récolte 2022 engrangée.
Le site Sevecon.ru ne cesse de rapporter les plaintes des agriculteurs russes dénonçant la flambée des prix des intrants et des prélèvements auxquels ils sont soumis.
Mais une accentuation du trafic maritime ravira les agriculteurs ukrainiens, puisque sur leur marché intérieur, les prix des céréales se redresseront au fil des expéditions. Selon l’USDA, l’objectif de la campagne est 29 Mt dont 11 Mt de blé.
Depuis la libération de la ville de Kherson, les ports de Mykolaïv et d’Ochakiv pourraient du reste être ajoutés à la liste des ports opérant dans le cadre de l’accord.
Pour leur part, les autorités russes misent sur le corridor pour réinstaurer la confiance perdue auprès de leurs partenaires commerciaux depuis le début du conflit en Ukraine. Vladimir Poutine ne veut pas être le président qui affame les pays émergents.
Or, le blé sibérien ne s’est pas bien vendu au début de la campagne. Assurer les transactions commerciales était trop risqué et de nombreux pays importateurs ont diversifié leurs approvisionnements aux dépens de l’origine russe. Ces dernières semaines, il semble que le maïs soit vendu au détriment du blé, faute de silos disponibles pour le stocker.
Enfin, des interrogations courent toujours sur les quantités de blé réellement exportables. Le site sevecon.ru avance une production de 105 Mt et des capacités d’exportation de 48 Mt, alors que le CIC confirme une récolte 95 Mt et des ventes à 41 Mt.
Quoi qu’il en soit, ces céréales russes seront en concurrence avec les grains ukrainiens. Et tout ce qui ne sera pas vendu sera stocké. Or, l’augmentation des stocks reports de blé des pays exportateurs majeurs (65 Mt), annoncée en hausse de 6 Mt par le CIC, pèse déjà sur les prix.
Les autorités russes prennent conscience de la situation de chaos qu’elles ont créée sur les marchés des céréales et de son effet boomerang sur leur propre marché. C’est pourquoi elles misent sur le corridor pour trouver le bout du tunnel !