La gestion des espèces gibier n’obéit pas en France à une politique rationnelle mais à une idéologie. Sous la pression des mouvements «animalistes» l’idée est de tailler sans relâche dans les rangs des espèces gibier pour mettre le maximum d’espèces sous le statut de la protection. Actuellement, la liste des espèces chassables compte une soixantaine d’oiseaux et de mammifères, de la gélinotte des bois à l’oie cendrée en passant par le blaireau et le sanglier. Elle est régulièrement rognée et les espèces qui en sont retirées ne reviennent jamais à leur statut de départ. C’est ainsi que l’oie bernache cravant – protégée à cause d’une raréfaction de ses effectifsest aujourd’hui en grande forme. On compte plus de cent mille hivernants sur le Bassin d’Arcachon. Les chasseurs ont demandé à pouvoir disposer d’un quota. Refusé. Pourquoi ? Parce qu’un oiseau protégé doit demeurer protégé quelle que soit l’évolution des espèces. On a récemment suspendu la chasse au courlis cendré et celle de la barge noire
au motif que les effectifs auraient diminué. Parfait. Mais à condition évidemment que le moratoire cesse si l’espècese remplume. Or jusqu’à présent il n’en était pas question, les associations et notamment la LPO s’y opposant. Nous avons actuellement des milliers de cormorans sur le territoire. Ils représentent un fléau pour les pisciculteurs.
Pourrait-on ouvrir leur chasse ? Non. Pourquoi ? Parce que les associations ne le veulent pas.
Pour la première fois le Président de la République s’engage donc dans la voie du bon sens en prônant une gestion rationnelle. Une espèce augmente ? Elle peut redevenir gibier. Elle diminue ? On la retire des espèces chassables.
Lors de la réunion du lundi 27 août avec le président de la Fédération nationale de la chasse, la liste des six premières espèces qui seront concernées d’ici la fin de l’année par cette « gestion adaptative » a été annoncée, notamment les oies cendrées, les courlis cendrés et les grands tétras. Concrètement, en fonction de l’évolution de la population et de l’habitat de ces espèces, il pourra être possible de prélever chaque année un certain nombre de ces oiseaux. Pour « éclairer » les décisions pour chaque espèce, un conseil scientifique doit être mis en place prochainement. Les chasseurs espèrent ainsi que certaines espèces aujourd’hui protégées, comme les fameux cormorans pourront être ajoutés à la liste.
On ne voit pas dans ce schéma ce qui peut susciter une levée de boucliers. Au Québec par exemple, c’est ainsi que l’on gère les populations d’oies blanches et de grandes bernaches. À la satisfaction générale tant des chasseurs que des associations ornithologiques qui, il est vrai, dans ce pays ne sont pas anti-chasse.
En touche
Dans ce contexte on a du mal à comprendre certaines réactions. Au micro d’Europe 1 Allain Bougrain-Dubourg a déclaré « Je rappelle que la tourterelle des bois a perdu 80 % de sa population et pourtant, on en abat encore 100 000 chaque année en France. Pour l’alouette des champs, c’est 500 000. Est-ce qu’on va continuer comme ça
longtemps ? C’est ça la gestion de la chasse dans notre pays ? » D’une part les chiffres annoncés sont totalement farfelus. La tourterelle des bois migre de moins en moins souvent chez nous. Pas parce qu’on la tue mais parce que le milieu ne lui convient plus. Moins de haies, moins de tourterelles. Il aurait pu d’ailleurs préciser qu’au Maroc, un pays où on la chasse très activement, cette tourterelle prolifère. Quant à l’alouette des champs, elle n’est plus chassée que par quelques spécialistes dans l’est du pays (au miroir) et dans le Sud-Ouest au filet. Les prélèvements sont très minces et il faudrait retirer plusieurs zéros au chiffre annoncé. On se demande d’ailleurs quelle est la source de l’intervenant. Il ne l’a pas citée. Mais en quoi ces éléments concernentils « la gestion adaptative » annoncée par Emmanuel Macron ? Certes on comprend bien que le président de la LPO botte en touche puisqu’aucun argument rationnel ne peut être opposé à la réforme proposée. Mais cela ne semble pas une raison pour s’égarer. En vérité l’inquiétude des associations opposées à la chasse vient du simple fait que l’on ne pourra plus continuer à rogner sur les espèces gibier sans aucune justification. Il est certain qu’un processus visant à la dégradation constante de la liste des espèces gibier a pour corollaire un éclaircissement constant des rangs des chasseurs. On voit bien qu’il y a là un angle d’attaque qui pouvait satisfaire les opposants. Et qu’en le supprimant on les irrite.
Un esprit cartésien et dénué de préjugés ne peut en tout cas qu’applaudir cette nouvelle gestion basée sur des faits et plus sur une idéologie.
ÉRIC JOLY