« On a évité le pire », déclare Philippe Heusele, agriculteur et secrétaire générale de l’association générale des producteurs de blé (AGPB) en commentant les résultats de la moisson 2022 ce 8 septembre. Selon l’association spécialisée de la FNSEA, le rendement moyen de blé est de 71,6 qx / ha, pour une production estimée de 33,6 Mt, ce qui est assez proche de la moyenne quinquennale (-1,4 %). Mais les rendements sont très hétérogènes. À l’échelle nationale, ce sont le sud et l’ouest qui ont plus souffert. Au nord de la seine, il y a plus de bons et de très bons rendements. Mais la variabilité se retrouve aussi à l’échelle locale en raison des passages localisés d’orages. Le blé dur a été très impacté (50,7 qx / ha) et chute de 8,5 % par rapport à la moyenne quinquennale. Les orges d’hiver ont moins subi la canicule du mois de juin.
Attention à l’effet ciseau
« Le prix des céréales a bien augmenté, explique Éric Thirouin président de l’AGPB, mais les charges et en particulier les engrais aussi. On n’est pas loin de l’effet ciseau. {…} Quand les prix de vente ont été multipliés par 1,5, l’azote a été multiplié par 3 ». Sur 2022, l’AGPB prévoit une amélioration du revenu moyen des céréaliers malgré de grandes disparités. Mais il n’en sera peut-être pas de même pour 2023. Les courbes des charges et des produits vont peut-être se croiser, ce qui mettrait bon nombre d’agriculteurs en grande difficulté. Le syndicat des céréaliers n’oublie cependant pas les éleveurs pour qui l’approvisionnement en aliment coûte cher. « On souhaite mettre en place un contrat entre producteurs et éleveurs », explique Cédric Benoits. Ces contrats seraient pluriannuels et permettraient de lisser les prix. Mais cette démarche nécessite un coup de pouce du gouvernement, selon le secrétaire général adjoint. « On demande à l’État d’augmenter l’épargne de précaution pour les agriculteurs qui signeraient ces contrats », affirme-t-il.
De l’engrais pour tout le monde ?
Concernant l’engrais, Cédric Benoits, secrétaire général adjoint de l’AGPB s’inquiète : « Aujourd’hui, je suis plutôt pessimiste quant à la fourniture d’engrais au printemps prochain. On ne sait pas si on aura de l’azote pour tout le monde ». L’AGPB demande aux dirigeants de l’Union Européenne de lever les barrières douanières sur les importations d’engrais. « On vend les céréales sur un marché libéralisé mais on ne peut pas s’approvisionner en engrais sans frais de douane. Ce n’est pas normal », déclare Cédric Benoits.
Il faut appliquer l’omnibus
Autre sujet majeur évoqué par l’AGPB : la réforme de l’assurance récolte. Pour Éric Thirouin, cette réforme est en mauvaise posture car l’état veut rester sur un seuil de déclenchement à 25%, avec une subvention de la police d’assurance de seulement 61,5 %. « Ce n’est pas la peine de faire une réforme si on n’arrive pas à appliquer l’omnibus » explique-t-il. En effet, selon le règlement européen, le seuil de déclenchement peut être baissé à 20 % et la subvention peut s’élever à 70%. C’est ce que demande l’AGPB. Mais selon l’État Français, l’enveloppe de 600 M€ ne pourrait pas permettre de financer ce système. L’AGPB affirme le contraire. Par ailleurs, elle prévient que si la réforme n’adopte pas ces nouveaux seuils, les agriculteurs vont s’en désintéresser et le projet ne marchera pas. « Avec une franchise à 25 %, l’assurance ne se déclenche que très rarement ».
Le PSN est enfin validé
Parmi l’actualité, l’AGPB a aussi commenté la validation du PSN par la commission européenne. Elle se réjouit de l’absence de transfert entre le premier et le deuxième pilier. Elle relève cependant une incohérence administrative : les écorégimes ne reconnaissent pas l’orge de printemps comme une culture à part entière si elle est semée en hiver. « On est dans une agriculture administrée. C’est insupportable, » avoue Cédric Benoits. Autre incohérence : si l’Union Européenne a permis la remise en culture des jachères en raison de la crise de l’Ukraine, l’écorégime « diversité des cultures » oblige certains agriculteurs à conserver des surfaces non cultivées. « On reste dans la logique de décroissance », explique le secrétaire général adjoint.
L’eau au cœur de la souveraineté alimentaire
Enfin, selon l’AGPB, l’année 2022 particulièrement sèche a mis en évidence l’importance cruciale de l’eau. « On est ulcéré, outré, dégoûté de voir Julien Bayou dire que c’est bien de détruire les bassines », affirme Éric Thirouin. « On ne peut pas encourager le citoyen à mettre une réserve en dessous de sa gouttière et ne pas faire la même chose en agriculture », fait-il remarquer. Outre l’irrigation, l’AGPB attend beaucoup de la recherche variétale et des NBT pour adapter les céréales au changement climatique.