Différentes solutions ont été comparées par l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad) et Agro-Transfert Hauts-de-France pour implanter un couvert d’été. En effet, plusieurs créneaux de semis sont possibles dans la période qui encadre la moisson des céréales. Le semis à la volée du couvert, une semaine avant moisson, est une voie efficace, surtout si la paille est ensuite ramassée. Ce semis anticipé permet au couvert de profiter de l’hygrométrie sous la céréale. Si la paille n’est pas ramassée, le semis du couvert peut aussi se faire dans les 2 jours qui suivent la moisson pour bénéficier de l’humidité résiduelle en surface. Selon l’Apad : « au-delà de 2 jours post-récolte, la réussite de la germination du couvert est beaucoup plus aléatoire. Cette contrainte impose évidemment une bonne organisation des chantiers ». Quand la météo n’est pas favorable à la levée, juste après la moisson, semer dans le sec ne semble pas une bonne option. Il paraît préférable d’attendre la mi-août pour semer, à une période où l’hygrométrie augmente et où l’implantation a plus de chances de réussir.
Des espèces aptes au semis à la volée
Le réseau d’essais d’Agro-Transfert dans le nord de la France a testé plusieurs conduites des couverts semés à la volée : date de semis, espèces, restitution des résidus, mode d’épandage. Objectif : identifier les chances de réussite. Premier constat : certaines espèces sont bien adaptées au semis à la volée. C’est le cas du radis, de la phacélie et des vesces, ainsi que du sarrasin et du trèfle. À l’inverse, la moutarde blanche, l’avoine, la féverole et le sorgho ne semblent pas très adaptés. La date de semis avant moisson semble favorable dans les trois semaines qui précèdent la moisson. Cependant, plus proche est la récolte, plus on obtient de bons taux de levée. L’exportation des pailles paraît un facteur défavorable à la mise en place. À l’inverse, en restituant les pailles, on améliore la levée du couvert mais pas forcément la biomasse produite, dans la mesure où les conditions de croissance sont bonnes. « Malgré un contexte très sec de l’été 2019, l’implantation en prérécolte produit de meilleurs couverts que ceux semés après la moisson. Le semis des couverts à la volée avant la moisson pourrait être encore plus efficace lors d’un été plus arrosé », note Agro-Transfert. Enfin, il faut se montrer patient, car les levées ne sont pas toujours rapides. S’il ne pleut pas, les graines peuvent prendre un mois pour germer, de façon parfois très échelonnée.
Des pellets de graines pour semer vite
La difficulté du semis à la volée se pose avec des espèces à petites graines (phacélie, trèfle). C’est pourquoi l’idée est venue d’utiliser des pellets de graines. La technique consiste à agglomérer les petites graines sur les plus grosses (vesce, pois, orge), plus adaptées à l’épandage. Plusieurs recettes ont été développées pour former des agrégats assez solides de manière à ne pas être complètement détruits lors de l’épandage. En particulier, la mélasse s’utilise comme liant à hauteur de 15 à 20 % du poids de semences à incorporer. Il faut lui ajouter un asséchant comme de l’argile bentonite ou de la farine. Selon Agro-Transfert, « les différents essais réalisés montrent de bons résultats pour des pellets comportant 1/3 de mélasse et 2/3 d’argile, ce qui représente à la fin environ entre 1/4 et 1/3 du mélange total avec les graines ». Cet enrobage des semences favoriserait aussi la levée et le développement des jeunes plantes. Et surtout, il permet un épandage sur une grande largeur de 24 ou 36 mètres.
M. L.
Semer avant moisson assure une meilleure répartition du travail, explique Antoine Galland, ingénieur d’études chez Agro-Transfert. De plus, les débits de chantiers élevés diminuent les temps de travaux globaux et les charges de mécanisation. Enfin, les semis précoces permettent d’augmenter la biomasse produite en optimisant les jours longs et la somme de températures élevées. Mais cette technique est à éviter dans les parcelles infestées de dicotylédones et de vivaces au moment de la récolte (chénopodes, chardons, laiterons,…).
Enfin, il faut parvenir à épandre les graines sur la largeur souhaitée. Avec un épandeur centrifuge et des graines nues, épandre sur des largeurs supérieures à 28 mètres est impossible, sauf pour les vesces. Les graines de phacélie s’étendent sur 12 mètres, celles du moha à 15 m, du sorgho et des radis autour de 20 m et du seigle à 25 m. La vesce velue atteint 28 m et la commune 40 m.
Coller les graines entre elles s’avère une bonne solution. Les ingénieurs d’Agro-transfert se sont inspirés des techniques utilisées par les agriculteurs. Pour confectionner des pellets, certains utilisent une bétonnière tournant au ralenti. Ils y mettent les grosses graines (vesces, orge de printemps), puis un collant (la mélasse) et les petites graines (phacélie, moha, radis…) quand le mélange est homogène. Ils ajoutent enfin un séchant (argile ou farine). La mixture est mise à sécher sur du béton ou sur une bâche, pendant une journée. La quantité totale de mélasse correspond au poids des semences multiplié par 0,16. Pour l’argile, il faut la multiplier par 0,33.
En confectionnant 150 kg de pellets/heure, le surcoût atteint 25 ct/kg de graines. Vu leurs propriétés physiques proches des engrais, l’épandage se réalise sur des largeurs allant de 24 à 40 m. Dans les essais, les pellets ont produit 2,7 t de MS/ha en moyenne, contre 1,8 t/MS pour le témoin, grâce à une meilleure répartition de biomasse par espèce.
Des pellets ou du matériel spécifique
Certains optent pour du matériel spécifique. Le distributeur Delimbe installé sur le pulvérisateur reste le plus économique (200 €). D’autres placent des distributeurs de petite capacité sous la barre de coupe. Ces techniques, où tout est fait en un seul passage, nécessitent une très bonne organisation de chantiers de récolte et, surtout, une bonne répartition des pailles et des menues pailles.
D’autres préfèrent un semoir spécifique utilisant les trains de roues de pulvérisateurs, comme ceux proposés par Alphasemences ( 24 à 40 m).
En fin de compte, le débit de chantier varie selon la technique utilisée de 6 et 15 ha/h, avec des coûts de 1,10 à 1,5 €/ha hors amortissement du matériel et graines et à 4 €/ha avec l’amortissement.
M.-P. C.