En bourse, cela s’appelle un rallye. Après le seuil de 450 €, c’est celui des 470 € qui est désormais atteint pour la graine de colza. La crise des disponibilités se poursuit en Europe et partout dans le monde. Le 23 février, la tonne de colza valait 468 € sur le FOB Moselle, 471 €/t sur le Rendu Rouen. Les marchés à terme affichaient 461 €/t pour l’échéance de mai 2021 et 415 €/t pour l’échéance d’août, les investisseurs pariant sur des cours moins agités à l’apparition de la prochaine récolte. Mais, pour les prochains mois, la situation semble devoir rester très tendue. Le canola, au Canada, flambe de la même manière, à plus de 600 US$/t, alors qu’il valait 350 $/t il y a tout juste un an. Les analystes prévoient un stock inférieur à 1 Mt en fin de campagne, du jamais vu.
En fait, les prix européens du colza et ceux du canola canadien ont eu quelques semaines de retard sur la flambée des cours du soja à Chicago, et l’écart se resserre. Depuis deux ou trois semaines, le cours du soja s’est stabilisé dans sa fourchette haute, entre 510 et 520 $/t. Les analystes pensent qu’au niveau de prix actuel, les producteurs américains vont semer 36 millions d’hectares, un niveau record qui permettra de produire aux alentours de 130 Mt, contre 120 Mt aujourd’hui. Des prévisions qui ont ramené un peu de calme sur les prix, malgré un niveau d’exportation sans précédent et des stocks au plus bas.
Il reste que la récolte en cours au Brésil est chahutée, tant pour la quantité que la qualité, en raison de pluies très abondantes. Si le ministère de l’Agriculture brésilien maintient ses prévisions de récolte à 133 Mt, beaucoup estiment qu’elle sera inférieure à 130 Mt, et ne permettra pas de faire la soudure avec la fin de campagne américaine. Les prix du soja pourraient donc repartir rapidement à la hausse.
La hausse des cours des oléagineux pourrait également provenir d’une nouvelle approche de la souveraineté alimentaire. Pour éviter des hausses de prix à la consommation sur leur marché intérieur, la Russie et l’Argentine ont décidé d’appliquer des taxes à l’exportation sur certaines céréales. Le colza et le soja ne sont pas concernés, mais les marchés raisonnent aussi en matière de demande de protéines végétales ou de besoin en biocarburants, et la raréfaction de l’un peut faire bondir les prix de l’autre. Les achats massifs de la Chine sont également appelés à se poursuivre. Autant d’éléments qui plaident en faveur d’une poursuite de la hausse des prix, sans doute jusqu’à l’été.