Et si le désherbage du futur s’inventait dans les parcelles de betteraves ? C’est en tout cas le défi que s’est lancé Corteva en repositionnant la stratégie de protection de cette culture avec un herbicide de sa gamme ciblant spécifiquement les chardons. « Entre l’objectif européen du Green deal de réduction des usages de produits phytosanitaires et le plan Écophyto français, l’idée a été de repenser le concept du désherbage chimique en 2020 : ne plus vendre un herbicide mais un service garantissant une parcelle propre, quel que soit le niveau d’infestation de l’adventice », raconte Mathieu Vaisset, responsable marketing services Corteva. Le service repose sur trois piliers : le concept proposé par Corteva, la commercialisation par le distributeur et la pulvérisation de précision. Dotée de coupures de buses pilotées grâce à l’intelligence artificielle détectant les chardons, cette technologie sera proposée par les ETA. Les algorithmes de reconnaissance des chardons ont été créés en collaboration avec Corteva et Berthoud par Carbon Bee, pour être exploités par leurs équipements intelligents et leurs caméras. « La pulvérisation de précision devient le moyen d’allier la performance du traitement à la réduction de l’IFT, qui peut atteindre 90 % », ajoute-t-il. Le modèle économique pour le distributeur et le fournisseur est d’ailleurs construit sur cette précision, au mètre carré près. « Nous avons tous intérêt à mettre le moins de produit car le coût de la prestation est fixe, donc moins, c’est mieux ».
Vingt-six planteurs associés à l’expérimentation
L’expérimentation est conduite en partenariat avec la coopérative Agora. Vingt-six planteurs adhérents ont rejoint le dispositif pour les semis 2022 : « nous avions un objectif de près de 500 ha couverts », précise Mathieu Vaisset, mais c’était sans compter sur la météo. Avec un mois d’avril sec, puis l’arrivée des pluies mi-mai, les fenêtres de traitement ont été réduites. « Conséquence : nous sommes en retard sur le programme et nous n’avons pas le niveau de réduction d’herbicide escompté en raison de symptômes de phytotoxicité très marqués en 2022 ! » En 2020 et 2021, l’expérimentation avait très bien fonctionné, avec une diminution de 80 % à 90 % de la dose d’herbicide. Pas question pour autant de parler d’échec, au contraire, la technologie s’est enrichie. Il a fallu quinze jours à l’équipe pour recalibrer un algorithme plus robuste. « Nous sommes confiants et allons de nouveau réaliser un passage mi-juin ».
Si cette formule est la voie privilégiée de cette campagne, l’offre a aussi été expérimentée pendant deux ans avec la reconnaissance des ronds de chardons par drone, afin d’éditer une carte ensuite lisible par la machine. « Le recours au drone a de l’intérêt lorsque les ronds ne sont pas visibles facilement, complète Mathieu Vaisset. Néanmoins, cette méthode demande plus de temps que la détection directe par caméra : celui de l’édition des cartes, puis de leur conversion en format lisible par le logiciel du pulvérisateur, soit un délai de 2 jours. De plus, les vols de drones sont compliqués avec le vent, interdits près des lieux sensibles ». En 2023, l’expérimentation va se poursuivre avec la reconnaissance en temps réel, par caméra, pour encore enrichir les algorithmes. Le lancement de l’offre est prévu pour les semis de betteraves 2024.