Après plusieurs semaines d’attente, l’arrêté concernant l’autorisation de l’utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves a été enfin publié le 6 février, au Journal officiel. Il fait suite à l’avis de l’Anses du 23 décembre relatif « aux mesures d’atténuation des risques devant figurer dans toute dérogation à l’interdiction d’utiliser des produits à base de néonicotinoïdes » et à la réunion du 22 janvier du conseil de surveillance, créé par la loi instaurant le retour des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves. L’arrêté autorise l’usage de semences de betteraves traitées à l’imidaclopride ou au thiaméthoxame, pour une durée de 120 jours, avec 25 % de substances en moins par rapport aux enrobages réalisés habituellement.
Des restrictions dans les rotations
L’arrêté précise, à l’annexe 1, les conditions de mise sur le marché et d’utilisation. L’annexe 2 fixe le calendrier selon lequel les cultures peuvent être implantées lors des campagnes (lire page 13 dans ce numéro), suivant l’emploi des semences de betteraves traitées, en vue d’atténuer les risques pour les insectes pollinisateurs :
– À partir de la campagne 2022 : avoine, blé, choux, cultures fourragères non attractives, cultures légumières non attractives, endive, fétuque (semences), moha, oignon, orge, ray-grass, seigle ;
– À partir de la campagne 2023 : chanvre, maïs, pavot/œillette, pomme de terre ;
– À partir de la campagne 2024 : colza, cultures fourragères mellifères, cultures légumières mellifères, féverole, lin fibre, luzerne, moutarde tardive, phacélie, pois, radis, tournesol, trèfle et vesce.
Dans l’annexe 2 bis, des mesures d’atténuation et de compensation possibles sont détaillées. Leur mise en œuvre pourra, après avis de l’Anses, permettre d’anticiper le semis, la plantation ou la replantation de cultures (maïs et colza uniquement). Dans le cas du maïs, les mesures d’atténuation proposées sont les suivantes :
– l’utilisation, sur une largeur d’au moins dix-huit rangs de betteraves qui ne peut être inférieure à huit mètres, de semences de betteraves non traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame sur le pourtour des parcelles traitées avec ces produits ;
– l’implantation en 2021 et 2022 sur l’exploitation concernée, à une distance adaptée, de surfaces mellifères, à raison de 2 % des surfaces implantées de semences de betteraves traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame.
Pour le colza, il est préconisé d’implanter un mélange composé d’au moins 50 % d’une variété précoce à floraison de type Es Alicia ou d’une variété équivalente, sur une surface représentant au moins 10 % de la sole de colza de l’exploitation concernée et sur laquelle n’ont pas été cultivées des betteraves traitées avec de l’imidaclopride ou du thiaméthoxame au cours des trois années précédentes.
Satisfactions et réserves
Dans un communiqué du 5 février, la CGB s’est réjouie de « cet aboutissement très attendu » mais a déploré « les fortes restrictions imposées sur les cultures suivantes, qui impacteront les bonnes pratiques agronomiques ». « Cette situation appelle un renforcement des connaissances scientifiques sur le lien entre agriculture et biodiversité. Notre filière y prendra sa part afin d’aboutir à un cadre réglementaire plus pragmatique sur ces questions », a insisté la CGB. De son côté, dans un communiqué du 9 février, Cristal Union a estimé que « cet arrêté redonne du souffle et des perspectives à l’ensemble de la filière. Il instaure cependant des contraintes sur les cultures suivantes après des betteraves traitées avec des néonicotinoïdes. Des mesures d’atténuation de ces contraintes, pour les cultures de maïs et de colza, seront examinées prochainement par l’Anses », a souligné le groupe coopératif. Selon le ministère de l’Agriculture, « ce sera aux professionnels de justifier et de détailler le mieux possible leurs propositions d’atténuation des risques » qu’ils soumettront à l’Anses, pour permettre de cultiver du maïs en N+1 et du colza en N+2. Aucun calendrier n’est pour l’instant prévu.
Les betteraviers devront donc faire un choix pour leur semis dans quelques jours, avec une nécessaire prise de risque, quant à leur rotation. Malgré cette incertitude, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a souligné, le 5 février, que les professionnels de la filière betterave-sucre prévoient une baisse moyenne de seulement 5 % des surfaces semées en 2021, « cela permettant de préserver la filière, l’outil industriel et la souveraineté alimentaire de la France ». Sans cette autorisation, « la baisse des surfaces aurait pu atteindre 25 % avec un risque de fermeture de 4 à 5 sites industriels », selon le ministère.