Non, les véhicules électriques ne sont pas les moins polluants du marché. Contrairement à une idée répandue, ils sont même loin d’être les plus vertueux en matière d’émissions de CO2. Et pour cause : en raisonnant sur l’analyse du cycle de vie, les véhicules hybrides rechargeables roulant au superéthanol-E85 présenteraient un bien meilleur bilan en faveur de l’environnement. C’est un des principaux messages qu’ont souligné les représentants du Syndicat national des producteurs d’alcools agricoles (SNPAA), lors de leur assemblée générale le 23 septembre, s’appuyant sur une étude comparative de mai 2021. Selon l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (IFPen), en tenant compte de l’analyse du cycle de vie (construction du véhicule, pneus, consommation électrique, fabrication des batteries, production de carburant…), les émissions de CO2 complètes pour un véhicule électrique sont de 160 g/km en Europe (et de 85 g/km en France grâce à l’énergie nucléaire), contre seulement 113 g/CO2 en Europe et 74 g/km en France pour un véhicule hybride rechargeable fonctionnant à l’E85 (voir le graphique). « La science dit que rouler au bioéthanol est bon pour la planète et même meilleur que l’électrique », s’est félicitée Valérie Corre, vice-présidente du SNPAA et directrice des affaires réglementaires alcool et éthanol Europe de Tereos. Pourtant, Bruxelles ne semble pas partager le même point de vue. « La Commission européenne a décrété l’électrification du parc automobile et l’abandon du moteur thermique à horizon 2035. Elle a introduit le concept de véhicule zéro émission en ne mesurant les émissions que du réservoir à la roue, sans tenir compte des émissions du puits à la roue », regrette Jérôme Bignon, président du SNPAA.
Décarboner le parc français avec l’E85
Pour Valérie Corre, « le premier problème du bioéthanol, c’est le dogmatisme en faveur de l’électrique ». Le SNPAA demande que la Commission prenne en compte les émissions de C02 du puits à la roue et pas seulement en sortie d’échappement. « Dans son projet Fit for 55, Bruxelles propose de taxer à terme les carburants de première génération au même niveau que l’énergie fossile. La Commission refuse de reconnaître le caractère biogénique du CO2 issu de la biomasse », dénonce Jérôme Bignon. Les besoins de décarbonation rapide des véhicules en circulation sont pourtant là. Selon le SNPAA, en 2030, 80 % du parc automobile européen seront encore équipé de moteurs thermiques, dont 5 % seulement d’hybride rechargeable. La solution la plus vertueuse en faveur de l’environnement pourrait finalement être une combinaison de solutions. « Il n’y a pas de modalités de transport qui n’aient pas d’inconvénients. Il faut décarboner le parc actuel avec du bioéthanol, poursuivre les recherches sur l’hydrogène et continuer à développer l’électrique quand il est pertinent », estime Valérie Corre. Pour décarboner le parc français, la filière va demander au prochain président de la République qu’un million de véhicules puissent être équipés de boîtiers bioéthanol, permettant d’éviter un million de tonnes de rejet de CO2, grâce à une aide de 250 euros par boîtier, doublée pour les revenus modestes. Si, au niveau français, les professionnels pouvaient arriver à faire bouger les lignes, au plan européen, la tâche risquerait d’être plus ardue. La France apparaît quelque peu isolée dans la défense de la solution E85, face aux autres pays membres. Elle est le principal producteur et consommateur d’éthanol carburant en Europe.
Le SNPAA souhaite que le plafond de 7 % d’incorporation de bioéthanol dans l’énergie des transports ne soit plus respecté par chaque État membre, mais mutualisé au sein de l’Union européenne. Cette limite empêche la France, qui est à 6,8 %, de développer sa production de bioéthanol. Or, la moyenne européenne est à 4 %, la plupart des pays étant en dessous de cette moyenne. « L’éthanol produit en France est une solution fiable et efficace pour décarboner le secteur des transports. La filière peut et veut faire plus », insiste Jérôme Bignon, le président du SNPAA. Valérie Corre, vice-présidente, estime que la production française d’éthanol, actuellement de 12 millions d’hectolitres (Mhl), pourrait s’accroître de 6 Mhl, en optimisant simplement les outils sans surface supplémentaire.