Dans le cadre du projet ABCD-B, différentes solutions de biocontrôle ont été étudiées au champ et en conditions contrôlées pour lutter contre les pucerons et limiter la propagation des virus. Il s’agit de substances naturelles ou de champignons entomopathogènes. Huit produits avaient été testés en 2019 ; les plus prometteurs ont été réévalués en 2020.
Dispositifs expérimentaux
Deux essais ont été mis en place à Gruchet-Saint-Siméon en Seine-Maritime (76) et à Vimy dans le Pas-de-Calais (62). Les dispositifs expérimentaux consistaient à tester, en condition d’infestation naturelle par les pucerons, différentes substances de biocontrôle, en comparaison avec un témoin non traité et une référence chimique : le Teppeki adjuventé avec de l’huile. Au total, 4 substances naturelles et 2 micro-organismes ont été évalués en 2020 : l’huile de paraffine, la maltodextrine, l’azadirachtine, un biopolymère organique et deux champignons entomopathogènes (Lecanicillium muscarium et Beauveria bassiana). Une modalité supplémentaire a été ajoutée à l’essai avec deux applications en relais de la référence chimique, pour évaluer l’intérêt d’un programme associant produit chimique et biocontrôle.
La référence chimique a été appliquée deux fois à 110 L/ha au seuil de 10 % de betteraves colonisées par des pucerons aptères verts, lors des T1 et T3 (figure 1). Les substances de biocontrôle n’ont pas d’action systémique dans la plante, elles doivent donc être appliquées de manière répétée pour agir par contact avec les pucerons. Elles ont été utilisées quatre fois à partir du T1, et à fort volume d’eau (220 L/ha) afin d’obtenir une bonne couverture du feuillage. Des comptages de pucerons ont été effectués avant chaque traitement.
Contrôle des pucerons
La figure 2 présente le résultat du dénombrement de pucerons lors des comptages successifs sur le site de Vimy (62). La pression de pucerons sur cet essai est faible à modérée : fréquence de 67 % de plantes colonisées par au moins un puceron, nombre moyen de pucerons par betterave de 1,3. Après deux applications le 19 mai, le nombre de pucerons est inférieur au témoin non traité pour toutes les substances testées, ce qui démontre une certaine efficacité des produits. Néanmoins, la baisse de population n’est réellement équivalente à la référence chimique que pour le champignon B. bassiana. Le 26 mai, les populations de pucerons s’envolent pour la plupart des produits, avec une progression plus faible pour le champignon L. muscarium et la maltodextrine, mais à des niveaux qui restent bien supérieurs à la référence chimique. Le 2 juin, les populations semblent diminuer mais les auxiliaires présents ont participé à l’élimination des pucerons. Au final, aucun produit n’a permis d’égaler l’efficacité du Teppeki.
La figure 3 présente le résultat du dénombrement de pucerons aptères à Gruchet-Saint-Siméon (76). Dans cet essai, les infestations ont été bien plus massives, avec des fréquences de plantes touchées à 90 % sur la partie non traitée et avec, en moyenne, 22 pucerons par betterave. L’ensemble des substances testées suit la même dynamique d’infestation que celle du témoin, à l’exception de la référence chimique, seule ou en combinaison avec un produit de biocontrôle. Le 19 mai, la maltodextrine et le champignon L. muscarium semblent présenter une moindre progression des populations de pucerons, mais avec des niveaux qui restent bien supérieurs à la référence chimique. L’efficacité du programme chimique suivi de l’huile de paraffine est meilleure dans cet essai que dans le précédent, avec une performance équivalente aux deux applications de Teppeki. Le comptage du 25 mai n’est pas représenté car trop fortement biaisé par l’arrivée massive d’auxiliaires.
Les conditions chaudes et sèches du printemps 2020 sur les deux sites, et de manière plus prononcée dans le Pas-de-Calais, étaient a priori plus favorables aux substances naturelles à action de contact. Malgré cela, les produits de biocontrôle testés sont loin d’égaler le Teppeki qui a été efficace dans ces deux expérimentations. Même avec des applications répétées toutes les semaines, le contrôle des pucerons est insuffisant avec les produits de biocontrôle. L’absence de systémie est un frein à leur efficacité.
Le projet ABCD-B* « biocontrôle et variétés » est un projet de recherche piloté par Arvalis – Institut du Végétal, dont Terres Inovia, l’ITB et l’Inrae sont partenaires. Ce projet s’intéresse à la problématique des jaunisses virales en grandes cultures : jaunisse nanisante de l’orge sur céréales à paille, jaunisse du navet sur colza et jaunisse sur betterave.
Seuls les virus de la jaunisse modérée de la betterave BMYV (Beet Mild Yellowing Virus) et BChV (Beet Chlorosis Virus) sont étudiés. Les virus appartiennent tous à la même famille et sont exclusivement transmis par des pucerons vecteurs. Ce projet a débuté en 2018 et s’achèvera en 2021 ; il comprend deux campagnes d’essais au champ pour chacune des filières ainsi que des expérimentations au laboratoire menées par l’équipe « épidémiologie végétale et vection » de l’Inrae de Montpellier. Les travaux menés en ce moment au laboratoire permettront d’enrichir les résultats sur le terrain et d’optimiser les conditions d’emploi des produits pour maximiser leur efficacité.
Les tests au laboratoire permettent également d’identifier les mécanismes impliqués derrière chaque produit : limitation des populations de pucerons, de leur taux de multiplication ou de la transmission de virus par le puceron. La connaissance du fonctionnement des produits doit permettre d’optimiser leurs conditions d’emploi, seuls ou en combinaison.
En complément du volet biocontrôle, le projet ABCD-B comporte un volet variétal. Différents hybrides ont été comparés en présence et en absence de pucerons vecteurs de virus, pour identifier d’éventuelles tolérances ou résistances variétales,
et en comprendre les mécanismes impliqués.
*Projet Écophyto déposé dans le cadre de l’appel à projets « Protection durable des cultures sans néonicotinoïdes : améliorer l’émergent et ouvrir des perspectives innovantes ».