Avec l’avancée de la campagne européenne, les premières données fiables de rendement commencent à tomber. Certes, la situation n’est pas catastrophique partout : la Belgique devrait avoir un rendement supérieur à 5 % de sa moyenne quinquennale, les pays scandinaves devraient afficher un chiffre proche (entre + 5 et 6 %) et l’Autriche devrait même dépasser les + 11 %. Du côté allemand et néerlandais, la situation est dans la moyenne (- 1 % par rapport à la moyenne quinquennale). C’est donc la Pologne (- 13 %), le Royaume-Uni (entre – 18 et – 20 %) et surtout la France (- 25 %) qui pénalisent le rendement européen.

Concernant la France, la jaunisse aura provoqué sa relégation à la seconde place de la production communautaire, derrière l’Allemagne, avec une production de tout juste 4 Mt, contre 4,1 Mt pour l’Allemagne. L’Union à 28 (DOM inclus) produira autour de 15,7 Mt de sucre.

Il faut remonter à la campagne 2010-2011 pour arriver à un chiffre comparable. La tension avait été telle, à l’époque, que l’envolée des prix du sucre (au-dessus de 700 €/t sortie sucrerie !) avait fait réagir la Commission européenne : elle avait pris des mesures exceptionnelles, en facilitant notamment les importations, pour limiter la tension.

Importations

Qu’en sera-t-il cette année ? Pour équilibrer le bilan, il faudra importer quasiment 3 Mt. La plupart des pays dits PMA (qui ne payent pas de droit de douane), devraient répondre présents, pour autant que leur production soit suffisante dans un contexte climatique difficile lié à La Niña. Il faudra donc très probablement avoir recours au sucre taxé à l’entrée sur le territoire de l’Union (contingents dits CXL), ce qui devrait faire renchérir le prix du sucre sur l’Union.

Pour autant, les producteurs européens profiteront-ils de cette situation, comme ce fut le cas en 2010-2011 ? Tout dépendra de la manière dont les contrats de vente de sucre ont été conclus. Les premiers bruits du marché ne sont pas rassurants. Certains disent même que le prix enregistré par les producteurs français pourrait tout juste atteindre 400 €/t en moyenne. Ce sera donc le sucre d’importation qui profitera de la hausse.

Les cyniques relèveront que la fin des quotas avait été vue par ses promoteurs comme l’occasion d’adapter l’offre à la demande, par le biais de signaux de prix réactifs. C’était surement vrai, en théorie. Mais en pratique, si les producteurs de sucre continuent à vendre leur sucre à prix fixe et avant même de l’avoir produit, sans savoir ce que donnera la récolte européenne, comment est-ce possible? Combien de temps la filière européenne survivra-t-elle à une telle absence de corrélation entre les prix et ses fondamentaux, telle qu’elle se l’est auto-infligée depuis presque deux ans ?