L’ouvrage d’une longueur de 15 mètres est fabriqué en fibres de lin enrobées d’une bio-résine pour en faire un matériau léger, mais très dur et résistant avec des propriétés mécaniques comparables à celles de l’aluminium ou de l’acier. Il a été inauguré le 22 avril dernier à Almere, près d’Amsterdam.
Le projet a été élaboré à l’université technologique d’Eindhoven aux Pays-Bas. C’est une œuvre collective qui associe une dizaine d’entreprises européennes, dont la coopérative agricole normande, basée à Rouen, et sa filiale fibres Eco-Technilin.
Dans cette structure insolite et innovante, pas de béton, pas de produits fossiles mais du lin, la fibre textile issue des champs cultivés en Normandie.
Un pont écologique
« Le pont est fait en matériaux composites : 30 % de lin et 60 % de bio-résine, de la colle naturelle » , explique Thibault Roumier, ingénieur dans l’entreprise Eco-Technilin qui travaille depuis plus d’un an sur le projet avec son collègue Gwenn Prévost. « La fibre de lin va apporter des propriétés mécaniques, de la résistance. C’est presque le même type de fibres que l’on retrouve dans l’habillement. Si les résultats s’avèrent positifs, cette structure pourrait remplacer des ponts en mauvais état et ouvrir la voie à des ponts plus écologiques, car le lin a un faible impact environnemental et il est déjà utilisé dans l’industrie automobile et les équipements sportifs (surf, raquettes de tennis). Il y a 12 000 ponts aux Pays-Bas et la moitié sont en mauvais état. Ces ponts sont faits en béton ou en matières fossiles. Là, avec le lin, nous sommes sur des matériaux naturels écologiques. L’idée de ce projet, c’est d’avoir un impact environnemental beaucoup plus réduit en intégrant de la matière naturelle notamment de la fibre de lin », continue l’ingénieur.
Une ligne de production de voile de lin
La fibre de lin préparée sur le site d’Yvetot a été transformée à partir de rubans de lin en flaxtape, un voile de lin. Les fibres sont alignées et consolidées et sortent de la ligne de production qui a été spécialement créée, avant d’être mise en rouleaux. Une fois les fibres de lin préparées, on y adjoint la bio-résine. Deux tonnes de fibres en flaxtape ont été nécessaires pour la construction de ce premier pont, car deux autres ponts en lin sont en projet à Ulm en Allemagne et un second dans une autre ville hollandaise.
Des capteurs ont été installés sur le pont pour évaluer sa résistance et voir comment il réagit aux intempéries ou aux vibrations. Si les données sont positives, ces ponts en lin pourront remplacer des ponts en mauvais état. 80 % du lin est cultivé dans le nord de l’Europe, du Calvados à Amsterdam. « La culture vieille de plusieurs milliers d’années a un faible impact de production. C’est local. Zéro irrigation, l’eau de pluie suffit. Zéro OGM et zéro déchet. On récupère tout dans la plante de lin. Les fibres longues pour le textile, les fibres courtes pour les matériaux composites et les graines de lin riches en oméga 3 », plaident les jeunes ingénieurs.
De plus, le lin est robuste, léger et il absorbe les vibrations. Il a tout pour gagner de nouvelles parts de marché.
C’est le leader européen de la fourniture de solutions à base de fibres naturelles ( lin, chanvre, jute, kenaf) pour des applications industrielles dans l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, le bâtiment et les équipements sportifs.
L’entreprise a été créée en 2000 par une coopérative de lin près d’Yvetot (76) pour valoriser les fibres courtes de lin, puis elle a été reprise en 2016 par le groupe coopératif Cap Seine, devenu NatUp, qui en a fait son fer de lance pour les applications industrielles des fibres naturelles. La société normande réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’international (Argentine, Australie, USA, Asie, Europe) ; un export facilité par la proximité du port du Havre.
Le pont en lin inauguré le 22 avril à Almere, près d’Amsterdam, d’une longueur de 15 mètres, est construit en fibres de lin provenant de champs de Normandie et enrobées d’une bio-résine.
Le tablier du pont est réalisé avec des fibres de lin alignées et consolidées avec de la bio-résine pour en faire un matériau léger, mais avec des propriétés comparables à celles de l’acier.
Thibault Roumier (à gauche) et Gwenn Prévost, tous deux ingénieurs chez Eco-Technilin, ont participé au projet et conçu une ligne de production pour produire de façon industrielle le flaxtape, un voile de fibres de lin.