Lentement mais sûrement, la lentille gagne du terrain. De 4 000 ha en 1997, elle est passée à plus de 37 000 ha cultivés en 2019. « Depuis deux ans, les surfaces ne progressent plus ou très peu, en raison d’un marché saturé », observe Gwénola Riquet, animatrice technique de l’Association nationale interprofessionnelle des légumes secs (Anils). La situation devrait rester stable, malgré des rendements altérés en 2020, pour plusieurs motifs : « Les attaques de fusariose ont été favorisées par un hiver doux et humide. Puis, les jeunes plantes ont été infestées de pucerons verts à un stade très précoce, en mars-avril. Et les conditions sèches du printemps dernier ont limité le développement végétatif des lentilles », rapporte Gwénola Riquet. Ce début de cycle handicapant a fait chuter les rendements de 50 % et plus en Bourgogne et au sud de la Champagne, où le rendement habituel est de 18-20 q/ha. Le Berry, un producteur important, a lui aussi subi un fort recul (- 65 %). Au nord de la Champagne, l’impact semble moindre, avec une baisse de 10 à 30 % cette année par rapport au potentiel habituel, situé autour de 25 q/ha.
Un choix variétal étroit
Le point faible de cette culture reste un catalogue variétal restreint, avec une seule variété de lentille verte, Anicia. Inscrite au catalogue depuis plus de cinquante ans, elle domine à 80 % les productions. Une variété de lentille blonde (Flora) et une autre de lentille corail (Rosana) ont intégré le catalogue sous l’impulsion d’Agri-Obtentions dans les années 2000. Une variété traditionnelle de lentillon rose est toujours cultivée en Champagne, de même que des populations de lentille noire en bio.
Sur le plan agronomique, la lentille se montre peu exigeante. Des terres superficielles lui conviennent. Seuls les sols profonds ou hydromorphes restent déconseillés. Le cycle de la culture – 150 jours environ – est relativement court. Semée entre mars et avril dans les régions du Nord, la lentille se récolte en juillet-août. Autre avantage : elle permet de diversifier les rotations et, ainsi, de rompre le cycle des bioagresseurs des céréales. Appartenant à la famille des légumineuses, la lentille fixe l’azote atmosphérique avec ses nodules. Si elle est autonome en N, elle nécessite, néanmoins, un apport en phosphore et en potasse. Pour un rendement moyen de 15 à 25 q/ha, l’apport moyen reste modeste : 30 à 50 unités de P et 60 à 80 unités de K.
Gérer les ravageurs
Avant le semis, il importe de s’assurer de l’absence du champignon Aphanomyces, à l’aide du test sur un échantillon de terre. Pour lutter contre le parasitisme, il faut éviter de resemer une lentille sur la même parcelle pendant cinq ans. Au semis, la propreté du sol s’impose comme le principal facteur de réussite. Le désherbage de pré-levée empêche, en principe, le développement d’adventices. Les solutions en pré ou post-levée ne sont pas nombreuses : « La base du désherbage de pré-levée passe par l’utilisation de Challenge 600 et Nirvana. En post-levée, il y a peu de solutions de désherbage sans risque de phytotoxicité. De plus, les solutions actuellement disponibles ne permettent pas de gérer les graminées résistantes », précise Gwénola Riquet.
Le point critique demeure le contrôle des pucerons, lesquels, heureusement, ne pullulent pas tous les ans sur la lentille comme ils l’ont fait en 2020 : « Les pucerons sont arrivés très tôt sur les cultures, avec deux à quatre semaines d’avance par rapport à 2019, bien avant la floraison. La pression a été particulièrement forte et parfois difficile à maîtriser dans certains secteurs », selon Terres Inovia. En pratique, le puceron vert (Acyrthosiphon pisum) se nourrit de la sève des plantes, en les affaiblissant, et en provoquant l’avortement des fleurs et des gousses. Le ravageur prolifère très rapidement s’il n’est pas freiné par des insectes auxiliaires (coccinelles, syrphes…). La lutte est possible, deux insecticides pyréthrinoïdes (deltaméthrine et l-cyhalothrine) sont homologués sur lentille.
Dans l’Oise, la lentille verte ou noire semée avec de la caméline est devenue pratique courante chez les producteurs bio. « Cette association permet une meilleure couverture du sol au départ, en étouffant les mauvaises herbes. D’autre part, la caméline sert de tuteur à la lentille, ce qui facilite la récolte en évitant que la végétation se plaque au sol suite aux pluies », explique Gilles Salitot, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Oise. Seul point noir : la caméline associée subit des attaques de mélighètes qui stoppent la formation de ses graines. Gilles Salitot a testé dans des essais plusieurs alternatives : l’épeautre, le blé de printemps, l’orge de printemps et le lin oléagineux. « En 2020, les associations lentille-céréale ont été les plus productives, donnant 13,5 q de lentilles vertes récoltées dans l’épeautre et de 9,5 à 10 q/ha dans le blé ou l’orge de printemps. Il est conseillé de semer le mélange début mars afin que la lentille et la céréale arrivent ensemble à maturité. C’est avec l’orge de printemps que les cycles concordent le mieux. Après récolte, pour séparer les grains de lentille et de céréale, un triage optique est nécessaire. »