Des chercheurs en sociologie de l’université du Havre ont interrogé 188 betteraviers en diffusant, en juin et juillet derniers, un questionnaire en ligne, afin de connaître leurs conditions de vie et de travail. Il faut noter que les répondants du Centre-Val de Loire sont surreprésentés dans l’échantillon, ce qui laisse supposer que les planteurs de cette région ont davantage participé à cette enquête du fait des difficultés qu’ils rencontrent. Ces premiers résultats obtenus par Nicolas Larchet et Rémi Guillem font partie d’un projet de recherche sur les politiques alimentaires (Polal), financé par l’Agence nationale de la recherche et piloté par Sciences Po. Ce projet va se poursuivre jusqu’en 2022.

Les planteurs n’ayant pas répondu à la première vague de l’enquête « Être planteur de betteraves en 2020 » en juin et juillet derniers peuvent dès aujourd’hui répondre au questionnaire en cliquant sur ce lien sécurisé https://sciencespocdsp.eu.qualtrics.com/jfe/form/SV_1ZxUbbHezpD3DCt

1 – Un associé de 52 ans, diplômé d’un BTS, marié et père de deux enfants

Les données recueillies par cette étude permettent d’établir le portrait type du betteravier français, âgé en moyenne de 52 ans.

Ceux qui ont répondu au questionnaire se distinguent peut-être le plus de l’ensemble des agriculteurs par le nombre important de diplômés de l’enseignement agricole. En effet, 91 % d’entre eux ont obtenu un diplôme agricole, contre 60 % pour l’ensemble des agriculteurs français. 22 % ont un niveau bac+ 3 et plus. Ces résultats reflètent un biais de sélection de l’échantillon courant dans les enquêtes par questionnaire, mais ils pourraient aussi s’expliquer, en partie, par le niveau de technicité élevé requis pour la gestion des exploitations betteravières.

Il est à noter également qu’une majorité des répondants (51 %) sont associés d’un groupement agricole (Gaec, EARL…), statut qui devance désormais celui de chef d’exploitation à titre individuel (45 %).

Du côté de la vie affective, le célibat reste limité (12 %), le taux de mariage est élevé (68 %) et 6 % vivent en concubinage. Comme l’ont exposé d’autres enquêtes, l’hétérogamie – le fait de choisir sa/son conjoint dans un autre milieu social que le sien – est désormais fréquente chez les betteraviers. 56 % des conjoint(e)s ne sont pas exploitants agricoles. 22 % d’entre eux sont employés, 15 % exercent une profession intermédiaire et 14 % possèdent le statut de cadre. La part des conjoint(e)s ouvriers/ouvrières est marginale (1 %).

Ces couples ont en moyenne 2,04 enfants, un taux supérieur à l’indicateur de fécondité de l’ensemble de la population française.

On observe également une séparation croissante entre l’entreprise agricole et le lieu d’habitation. 30 % des répondants ont confirmé qu’ils ne résidaient pas sur leur exploitation.

2 – Une exploitation de 172 hectares, majoritairement en fermage

Les betteraviers s’installent en moyenne à l’âge de 27 ans. Néanmoins, si l’on considère les répondants installés depuis 2010, l’âge moyen est de 33 ans, un chiffre plus élevé que pour l’ensemble des agriculteurs (29 ans pour les hommes).

La surface agricole utile (SAU) moyenne des répondants est de 172 hectares (sur 168 réponses au total), contre 63 hectares en moyenne pour l’ensemble des exploitations en France.

Alors que 76 % de la SAU française étaient en fermage en 2010, cette part est moins élevée chez les planteurs ayant répondu à l’enquête (64 %). Par ailleurs, les exploitants propriétaires de la totalité de leur SAU ne représentent que 2 %. À l’opposé, 7 % la louent en totalité.

Ces surfaces ont principalement été acquises par héritage direct ou par achat à un particulier, loin devant l’héritage en ligne indirecte. La part importante de l’héritage explique le faible nombre de “nouveaux agriculteurs” chez les sondés. On peut émettre l’hypothèse que l’agrandissement de la SAU des propriétaires par héritage s’est matérialisé essentiellement par la location de parcelles en raison des investissements dédiés à la modernisation de leur exploitation. 98 % des répondants ont déclaré avoir un ou plusieurs crédits bancaires en cours de remboursement. L’achat de matériel agricole représente le principal motif de recours au crédit (88 %), devant l’acquisition de terres agricoles (47 %), d’autres biens immobiliers sans lien avec l’exploitation (36 %) et de bâtiments agricoles (26 %).

3 – Un recours important aux ETA pour le matériel betteravier

44 % des betteraviers sont propriétaires ou copropriétaires de l’intégralité du matériel nécessaire à la culture de la betterave. Cependant, la plupart ne possèdent que le matériel de semis. Alors que l’arrachage, main-d’œuvre comprise, représente 40 % du coût de l’itinéraire technique de la betterave dans un contexte de forte hausse du coût des arracheuses, 58 % d’entre eux ont recours à une entreprise de travaux agricoles pour la récolte. Ils font plus rarement appel à la souscription de parts sociales dans une coopérative d’utilisation de matériel agricole ou Cuma (16 %), à l’échange (4 %) ou à la location de matériel (1 %).

4 – 46 heures de travail hebdomadaire, avec un salarié à temps plein

Bien que les betteraviers sollicitent fréquemment des ETA pour la récolte, ils font souvent appel à une main-d’œuvre permanente ou saisonnière. On dénombre 1,1 travailleur en moyenne par exploitation (en plus de l’exploitant), et jusqu’à cinq travailleurs pour les plus grandes exploitations de l’échantillon.

Dans 78 % des cas, il s’agit d’un salarié permanent. Ces travailleurs sont le plus souvent de jeunes agriculteurs employés comme salariés agricoles en attendant leur installation, comme plusieurs planteurs l’ont indiqué lors d’entretiens réalisés en complément de cette enquête.

Interrogés aux mois de juin et juillet sur leur temps de travail durant la semaine précédente, les répondants consacraient en moyenne 46 heures de travail hebdomadaire à leur exploitation, dont 11 heures de “travail de bureau”, 18 heures de “travaux de saison aux champs”, 14 heures de “travaux d’astreinte en élevage” (pour les seuls répondants ayant des capacités d’élevage) et 13 heures de “travaux de maintenance” divers sur l’exploitation. Cette durée déclarée est moins importante que pour la moyenne des agriculteurs français toutes cultures confondues (60 heures de travail hebdomadaire d’après le baromètre agricole Terre-net BVA en 2016). Cependant, la part du “travail de bureau” est supérieure à celle déclarée dans cette dernière enquête (9 heures).