C’est une affaire qui roule. Dernièrement, l’Europe a proposé de créer des bandes tampons de 400 mètres autour de tout endroit où l’eau est présente. Il serait ainsi interdit d’utiliser du plomb de chasse même autour d’une flaque dans un champ. Toute personne ayant dans sa poche une cartouche à plomb pourrait être verbalisée. Emmanuel Macron, que l’on sait favorable à la chasse, a mandaté ses diplomates à Bruxelles pour rejeter ce nouveau zonage, mais la Commission européenne va revenir à la charge dans les mois à venir. Au cours de son intervention lors du dernier congrès de la FNC, Willy Schraen a laissé entendre que le monde de la chasse ne pourra pas éternellement s’opposer à cette évolution. « Mais, a-t-il précisé, il faudra ouvrir le dossier avec prudence dans la protection des intérêts de notre filière et en préservant au mieux les intérêts des chasseurs. » Et le président de la FNC d’ajouter : « Bien sûr, si nous faisons ce geste fort en faveur de l’écologie et assumons notre place, et notre doctrine dans la nature, nous demandons que le temps de la mutation soit le nôtre. »
Le train est en marche et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Aujourd’hui, le plomb est prohibé autour des plans d’eau afin d’empêcher le gibier d’eau de s’intoxiquer. Selon les études scientifiques qui ont été menées, le pourcentage d’oiseaux atteints de saturnisme après avoir ingurgité du plomb était minime : 1 % pour le canard colvert, le canard Chipeau et le fuligule morillon, et 3 % pour le fuligule Milouin, ces quatre espèces étant les plus exposées. Sur certains sites tels que la Camargue et le lac de Grand-Lieu (Loire-Atlantique), les taux de mortalité peuvent atteindre 3 %. En revanche, sur le Rhin, qui est un site majeur d’hivernage en France et en Europe de l’Ouest, le risque d’exposition est considéré comme quasi nul.
Une question de prix
Le saturnisme du gibier d’eau dû au plomb de chasse était donc marginal. Quant à l’intoxication de la faune terrestre, elle ne repose sur aucun fondement scientifique. Aucun mammifère, aucun oiseau de plaine ou de bois ne risque de mourir de saturnisme, d’une part, parce qu’ils n’ingurgitent pas de plomb, d’autre part, parce que les microbilles de ce métal contenues dans les cartouches de chasse sont dispersées sur des surfaces considérables. Notons, au passage, qu’aucun être humain n’a jamais été pris de nausées, ni souffert d’anémie après avoir consommé un perdreau ou un lièvre truffé de plombs. Mais le mot est suffisamment inquiétant, semble-t-il, pour avoir conduit les responsables européens à vouloir bannir ce métal pour la chasse du petit gibier.
Des décisions ont d’ores et déjà été prises et elles vont devenir de plus en plus contraignantes.
Il va donc falloir que tout un segment de l’industrie concernée s’adapte afin d’être capable de produire massivement de nouveaux projectiles. De telles munitions – qui existent déjà pour la chasse sur les plans d’eau – coûtent beaucoup plus cher que les cartouches à plomb. Le tungstène et le bismuth, les meilleurs matériaux de substitution, étant hors de prix, l’acier reste le seul compromis raisonnable.
Les encartoucheurs sont prêts à se plier à une évolution inéluctable, mais ils demandent du temps pour être en mesure de se reconvertir. Passer d’une production de 50 à 60 millions de cartouches « acier » actuellement à 950 millions ne pourra se faire en un jour !
Les fabricants se retrouvent d’autant plus sous la pression que, dans la foulée, il est aussi fortement question d’interdire les étuis et les bourres en plastique…
Balles de plomb et plombs de pêche
À l’instar de la FNC, la plupart des associations de chasseurs sentent bien que le changement, c’est (presque) maintenant.
En Grande-Bretagne, la BASC (British Association for Shooting and Conservation) est allée plus loin en signifiant, le 24 février dernier, son souhait de voir interdire dans les cinq ans l’usage du plastique et du plomb dans les cartouches de chasse et de ball-trap.
Aujourd’hui, le débat porte sur le délai qui sera accordé aux encartoucheurs pour se mettre en conformité avec la future réglementation. Interviendra-t-elle en 2024, comme le réclament certains membres de la Commission européenne, ou obtiendra-t-on quelques années de sursis de manière à donner plus de souplesse au dispositif ? C’est là toute la question.
Ne doutons pas que, tôt ou tard, les adversaires de la chasse saisiront « la balle » au bond, si l’on peut dire, afin de demander son interdiction.
Et il avouer que leur argumentation sera imparable : pourquoi faire une exception, d’autant qu’il y a de plus en plus de chasseurs de grand gibier ? Certes, à balles, on répand moins de plomb et certaines sont en alliage. Mais si, dans la saison, un million de chasseurs tirent dix projectiles en plomb à côté de la cible, cela fait dix millions d’ogives dans la nature.
Il ne restera plus alors qu’à interdire également le plomb pour les pêcheurs à la ligne – qui l’abandonnent parfois au fond de l’eau – pour que l’affaire soit bouclée.