Plusieurs agriculteurs du canton de Sains-Richaumont dans l’Aisne ont décidé d’agir pour sauvegarder les abeilles. Portés par l’équipe locale de la FDSEA, ils ont créé Poll’Aisne Attitude. « Au départ nous voulions implanter cent ruches chez cent agriculteurs afin de pouvoir observer l’influence de nos pratiques », explique Benoît Lécuyer, agriculteur cofondateur. Quelques années plus tard, 14 agriculteurs et trois particuliers disposent chacun de trois ruches, soit une cinquantaine de colonies d’abeilles. Trois autres producteurs les rejoindront bientôt. Le projet reste ouvert à tous, agriculteurs, collectivités ou particuliers. Les néo-apiculteurs achètent leur matériel en commun et, pour préserver l’abeille noire locale, ils récupèrent les essaims.
Une charte apiculteurs-agriculteurs
Les agriculteurs se sont formés avec un apiculteur professionnel et le Rucher école de l’abeille noire de Sains-Richaumont. « Nous nous mettons dans la peau d’un apiculteur et l’apiculteur dans la nôtre », raconte le fondateur. Fort de ces échanges, les agriculteurs ont élaboré une charte. « Quel que soit le produit utilisé, même un fongicide, il est préférable de l’épandre le soir. Les abeilles sont rentrées dans la ruche. La spécialité a le temps de se déposer et sera moins nocive qu’une application matinale », insiste Benoît Lécuyer. Et que pense-t-il des néonicotinoïdes en traitement de semences ? « J’accepte l’interdiction sur tournesols, colza et maïs, mais il est invraisemblable de les interdire en céréales d’hiver et betteraves. Il y a beaucoup de tapage autour de cette question. Le principal problème des apiculteurs amateurs est un manque de compétences », ajoute-t-il. « Il faut aussi augmenter la ressource disponible en prolongeant l’alimentation des butineuses en saison. » Ainsi, ces éleveurs d’abeilles réduisent la fauche des bords de champs à une fois par an, voire tous les deux ans, et implantent des plantes mellifères.
Le groupe s’est aussi fixé une mission de communication et d’amélioration des connaissances. Il édite un petit bulletin d’information. Il rencontre des scientifiques spécialistes de l’abeille, issus de l’Inrae ou de Terres Inovia, avec lesquels ils ont réalisé des essais. L’idée de barder les ruches de capteurs (température, humidité, entrées et sorties d’ouvrières) a finalement été abandonnée à cause de difficultés techniques.« Nous sommes fiers de réaliser une action bénéfique pour les pollinisateurs. Nous apprécions aussi les répercussions positives en termes d’image. Un véritable regain d’énergie, dans un contexte de dénigrement de l’agriculture », reconnaît l’« happyculteur », qui aimerait que ce genre de projets essaime.