On ne parle que de lui dans les stations-service. L’E85, dont les pompes voyaient défiler quelques rares clients il y a encore 5 ans, fait désormais la une des médias. Alors que le prix des carburants pétroliers s’envole et que la France débat sur son autonomie énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les automobilistes semblent enfin découvrir les atouts de ce biocarburant 100 % renouvelable.
Il faut dire qu’il a des atouts. « Le Superéthanol-E85 reste le carburant le moins cher à la pompe, soit 0,92 €/l contre 1,93 €/l pour le SP95-E10, rappelait Nicolas Kurtsoglou, responsable carburant du SNPAA, le 22 mars dernier, lors de l’assemblée générale du syndicat des producteurs d’alcool. De plus, l’écart compétitif s’est élargi avec, au totem des stations, plus d’un euro de différence au bénéfice du E85 par rapport au SP95-E10, contre 82 centimes d’euros de différence il y a un an ».
5,3 % de parts de marché
Cette différence de prix se traduit dans les chiffres de vente : le Superéthanol-E85 vient de franchir la barre des 5 % de part de marché des essences en février dernier (5,3 % exactement), après avoir connu une progression de 33 % en 2021. Le nombre de stations E85 est toujours en croissance – la hausse a été de 426 pompes en un an – et au 15 mars 2022, 30 % des stations-service distribuaient l’E85, soit 2 786 stations.
Total, Intermarché, Système U et E. Leclerc sont les principaux distributeurs. Dominique Luback, directeur de la station-service Leclerc de Levallois (Hauts-de-Seine), peut témoigner de cet engouement : « la pompe d’E85 a été installée en 2009. Leclerc était précurseur, même si le volume vendu restait marginal. J’observe un engouement depuis déjà une bonne année, depuis la remontée des prix du carburant. Mais là, ça s’accélère avec les problèmes de pouvoir d’achat et la guerre en Ukraine. L’année dernière, on délivrait 500 litres de E85 par jour et aujourd’hui, on en est à 1 100 litres. Cela reste faible par rapport au gasoil, mais je suis certain que cela va prendre, car le carburant ne va pas revenir à son prix d’avant. Et l’E 85 est un carburant beaucoup plus respectueux de l’environnement ».
145 000 voitures
Le parc compatible au Superéthanol-E85 compte aujourd’hui 145 000 voitures équipées d’un boîtier E85 homologué et 49 000 véhicules Flexfuel-E85 d’origine. Rien que sur la période janvier-février 2022, plus de 10 000 boîtiers supplémentaires ont été posés et plus de 4 000 commandes de voitures flex-E85 d’origine ont été enregistrées, et la tendance se confirme pour les mois à venir.
D’ailleurs, les délais d’attente s’allongent chez les distributeurs de boîtiers. « Nous posons des boîtiers Flexfuel depuis environ 3 ans, mais j’ai vu une nette progression depuis l’augmentation du prix de l’essence, tous mes clients cherchent des solutions, constate Gérard Carrier, directeur du site Garage Ned à Gennevilliers. On monte actuellement deux boîtiers par semaine, contre un ou deux par mois l’année dernière. Avec l’augmentation de la demande, nous faisons face à des ruptures de stock. On met désormais un mois pour obtenir un boîtier à partir de la commande, alors qu’avant on pouvait les obtenir en 3 ou 4 jours ».
La pose des boîtiers a un coût qui oscille entre 799 euros pour la technologie à injection indirecte et 1 200 euros pour un boîtier à injection directe, mais il est indispensable si l’on veut rouler au E 85. « J’ai plusieurs clients qui ne veulent pas investir dans un boîtier et qui roulent avec 50 % d’E98 et 50 % d’E85. Dans la pratique, ça fonctionne, mais je le déconseille car ça peut être dangereux et aller jusqu’à la casse du moteur », explique Gérard Carrier.
Neuf modèles flex-E85 proposés
Le plus simple est d’acheter une voiture flex-E85 d’origine. L’offre s’est étoffée ces derniers mois grâce aux trois constructeurs Ford, Jaguar et Land Rover, qui proposent neuf modèles, dont cinq hybrides-E85 et deux utilitaires. Étonnamment, les constructeurs français brillent toujours par leur absence sur ce créneau en expansion. « C’est tout à fait incompréhensible, s’est exclamé le président de la CGB Franck Sander, lors de l’assemblée générale du SNPAA du 22 mars dernier. La modification technique est loin d’être insurmontable et au Brésil, les voitures Renault roulent à l’éthanol. Alors, où est le problème ? »
Le bioéthanol contribue à la décarbonation des voitures à essence d’autant plus qu’il peut être combiné à l’électrique grâce aux véhicules flex-E85 hybrides et hybrides rechargeables (PHEV). Selon Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA, en doublant sa production de bioéthanol, la France aurait la possibilité de faire rouler, en 2030, un parc composé de 7,5 millions de véhicules roulant à l’E10 et de 4,9 millions de véhicules associant le flex-E85 d’origine à une technologie hybride. La filière en a la capacité, puisque les surfaces de cultures mobilisées pour une telle production (24 Mhl) ne dépasseraient pas 1,2 % de la surface agricole utile, nette des coproduits issus de la transformation des plantes. Un hectare de betterave sucrière permet de produire 8 700 litres de bioéthanol (soit de quoi rouler près de 100 000 km) et 4,5 tonnes de pulpes déshydratées pour l’élevage. Conclusion : « les Français et les Européens auront toujours à manger », a tenu à rassurer Franck Sander, lors de l’assemblée générale du SNPAA.
Le bioéthanol – énergie renouvelable 100 % made in France – est donc bien placé pour contribuer à notre souveraineté énergétique et constitue une solution efficace pour décarboner les carburants liquides.
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Quand on compare les émissions de CO2 d’un véhicule hybride flex-E85 à une voiture 100 % électrique, le résultat est sans appel.
Contrairement à la réglementation européenne qui s’appuie uniquement sur les émissions de CO2, en sortie de pot d’échappement, la méthodologie « analyse du cycle de vie » (ACV) utilisée par l’institut IFP-Énergies nouvelles prend en compte la totalité des émissions délivrées sur l’ensemble du cycle de vie, aussi bien par les véhicules (composants, fabrication, maintenance, élimination…) que par l’énergie : origine, production, approvisionnements, combustion…
Avec le mix électrique français (67 % d’origine nucléaire), l’hybride rechargeable flex-E85 en conditions réelles s’impose comme le plus vertueux en émissions, avec 80 g CO2eq/km, devant le 100% électrique (87g CO2eq/km pour une autonomie réelle de 320 km) et très loin devant l’essence fossile qui totalise 176 g CO2eq/km.
Si l’on considère le mix électrique européen (13 % charbon et 20 % gaz), les hybrides non rechargeables flex-E85, avec 95 g CO2eq/km, et les hybrides rechargeables flex-E85 en conditions réelles, avec 99 g CO2eq/km, ressortent comme de bien meilleures solutions du point de vue de l’impact sur le climat que le 100 % électrique avec 146 g CO2eq/km. Quand on voit ces chiffres, il est difficile de comprendre pourquoi les instances européennes parient uniquement sur l’énergie électrique. Dans ce match, sur le CO2 émis, c’est bien l’hybride flex-E85 qui prend l’avantage !
Après une année marquée par un rebond de 77 % sur les ventes de boîtiers Flexfuel, le directeur business développement Europe, Jérôme Loubert, a présenté le 29 mars, lors d’une conférence de presse, un nouveau boîtier doté d’une intelligence artificielle. Ce nouveau boîtier est adapté à toutes les familles de boîtiers Flexfuel, pour des moteurs à injection directe. Avec une nouvelle technologie d’intelligence artificielle, Flexfuel promet une économie à plusieurs échelles : sur le temps de pose qui passe de 2h à 1h30 et sur les frais de pose, réduits de 50 €. Disponible sur le marché depuis début avril, ce boîtier intelligent succède aux anciens boîtiers, où les stocks arrivent à terme, mais ne peuvent se remplacer. « L’intelligence artificielle va optimiser les temps d’injection qui étaient de 15 jours en réglage manuel et réduire la surconsommation de carburant de 2 à 3 % », déclare Jérôme Loubert.