Comme d’autres constructeurs de remorques, Chevance continue de faire valoir les mérites des aciers à haute, voire très haute limite d’élasticité (HLE) d’origine scandinave, utilisés dans la fabrication de ses produits. Bruno Chevance, qui dirige l’entreprise de Guingamp (Côtes-d’Armor), en fait volontiers la démonstration. « Il faut suspendre un poids d’au moins 50 kg à un fil d’acier HLE d’un mètre de longueur et d’un millimètre de diamètre pour qu’il s’allonge et rompe. 70 kg si c’est un THLE. Alors qu’avec un acier classique comme le S 235, la rupture intervient à 23,5 kg. » Élémentaire, mon cher Watson ! « Pas tant que ça, poursuit Bruno Chevance. Nous avons du mal à convaincre nos clients, agriculteurs et entrepreneurs, qu’une benne montée avec une tôle de fond de 4 mm d’épaisseur, permise par un acier HLE, n’est pas moins solide qu’une 5 mm en acier classique. » La réponse des clients tombe, imparable : « Pour eux, cela revient à payer 10 % plus cher une remorque en acier HLE dont le fond est moins épais ! »
Deux voyages de plus
Les avantages du HLE ne sont pourtant pas illusoires. Le nombre moins important de soudures sur la caisse lui donne plus de facilité à endurer la résilience. L’élasticité de l’acier permet de gagner la bataille de l’augmentation de la charge utile (CU) à laquelle les constructeurs sont confrontés. Et par la même occasion d’accroître la productivité de la remorque à chacun de ses voyages. La gamme Welter de Chevance – de 18,5 t à 24 t de CU avec des aciers HLE – illustre le débat. « Nous avons réduit le poids mort de la benne de 20 % avec des aciers extra HLE S 700 sans hypothéquer sa robustesse. Mais le fond est resté en 5 mm et les flancs sont en 4 mm », affirme Bruno Chevance. Dit de façon plus spectaculaire, une Welter 195 s’offre deux voyages de plus qu’une benne classique en une journée de transport. Sa charge utile est de 19,5 t pour un poids total admis en charge (PTAC) de 25 t. À côté de la Welter, équipement haut de gamme du constructeur breton, la série des First représente un compromis astucieux pour le client focalisé sur le rapport investissement-solidité du matériel. Le châssis des remorques associe deux aciers différents, un extra HLE suédois pour la flèche, la face avant, la chaise du vérin et le pare-chocs, et un ultra HLE pour les longerons. Réalisée grâce à une ligne de pliage de 700 t acceptant des tôles longues de 8 m, ses flancs (4 mm d’épaisseur) et son fond de caisse (5 mm) sont d’une seule pièce, sans soudure. Le dispositif de freinage est celui des Welter et la porte arrière présente de grands bras et des vérins à double clapet. « La First s’adapte aussi bien à l’élevage qu’aux grandes cultures », dit Bruno Chevance. Le choix est large : douze modèles composent la gamme, de 11 à 24 t de CU, et de un à trois essieux.
Acier Hardox
Chez La Campagne, constructeur du Pas-de-Calais aux matériels rouge Ferrari – « Un produit La Campagne, on le remarque », annonce la pub ! –, autant de soin est apporté au choix des aciers. Les bennes sont construites dans un HLE Hardox 450 – en option – ou bien dans un HLE S 355 ou 700 d’origine scandinave. « Nous rigidifions la tôle avec un pliage qui forme un arrondi. Ça permet aussi d’enlever des montants », souligne-t-on au bureau d’études du constructeur. Comme ailleurs, la tôle de fond de caisse reste une 5 mm d’épaisseur et les flancs sont en 4 mm formés en une seule partie. Tous les modèles de remorques agricoles – dix au total, de 20 à 34 m3 de volume utile selon les hauteurs des côtés (1,50 m ou 1,80 m), deux ou trois essieux – sont en HLE. C’est le cas des deux machines de pointe du constructeur, les 71/24 et 81/32, le premier chiffre indiquant la longueur intérieure de la benne, le second son poids total autorisé en charge (PTAC). L’affaire est même entendue depuis longtemps. L’acier HLE résiste à l’abrasion – en particulier le Hardox que l’on retrouve dans les engins de travaux publics – et démontre sa capacité à prendre des chocs. Aujourd’hui, le bureau d’études réfléchit plutôt aux solutions qui permettront de limiter le tassement des sols. Grâce aux progrès qui pourront être accomplis dans le domaine des pneumatiques avec, entre autres, le télégonflage. Mais en conservant toujours un œil sur le poids mort des remorques.
« Nous utilisons trois bennes La Campagne, des deux essieux BBC de 18, 15 et 13 t de cubage, attelées à trois tracteurs Claas de 160, 155 et 120 ch. Elles nous servent pour le transport de toutes nos productions. Pendant la récolte des betteraves, quand l’automotrice ne vidange pas directement sur le dépôt mais à l’autre bout de la parcelle, nous faisons le transfert avec la benne », explique Henri Cuvilliez. Ce polyculteur-éleveur en EARL à Wavrans-sur-l’Aa (Pas-de-Calais), exploite 92 ha de cultures en non-labour (céréales, betteraves, maïs, lin, pois de conserve). « Je circule le moins possible dans le champ pour ne pas l’abîmer. Pour ça, je suis toujours en basse pression avec des Michelin de 600 mm. Le poids du matériel reste un problème. Malgré les progrès réalisés, moins de poids mort, des bennes moins dures à tirer et moins de consommation de carburant, on est à 6 t par essieu. Théoriquement, il ne faudrait pas dépasser 4 t. C’est le seul défaut de nos bennes. Pour le reste, rien à dire. C’est du matériel bien fini et solide », ajoute cet utilisateur averti.