Imaginer les nématodes comme des amis peut apparaître surprenant pour les planteurs de betteraves. Et pourtant les nématodes participent à la fertilité et au fonctionnement biologique des sols, explique Hélène Cérémonie, docteure en écologie microbienne, directrice d’Elisol, laboratoire spécialisé dans ces vers au corps rond et translucide, atteignant la taille de 1 mm pour la plupart. Parmi les 26 000 espèces présentes sur Terre, la moitié vit dans les sols. Ils peuvent être libres ou parasites des plantes ou des invertébrés (vers intestinaux). Dans le sol, nous pouvons dénombrer jusqu’à un million d’individus par mètre carré, avec 90 espèces différentes, étant donné leur grande diversité, estime la spécialiste. Ils font partie de la microchaîne trophique. Les nématodes phytophages (mangeurs de végétaux) se nourrissent de racines, les bactériophages de bactéries ; d’autres préfèrent les acariens ou encore les protozoaires. Certains nématodes carnivores mangent leurs congénères. Les sources nutritives peuvent être très différentes.
Certains participent à la libération d’éléments nutritifs
Certains nématodes participent à la libération des éléments nutritifs du sol, dont l’azote minéral et le phosphore, quand d’autres mangent des bactéries. D’une manière générale, ils ont un effet positif sur la respiration globale du sol et la biomasse. Les nématodes libres sont toujours bénéfiques pour les plantes, assure la scientifique. Mais certains nématodes phytophages sont potentiellement nuisibles. Bref, conclut-elle, les nématodes sont parfois amis, parfois ennemis.
Connaître l’abondance des différents nématodes renseigne sur le fonctionnement biologique du sol. Plus les nématodes libres sont nombreux, meilleure est la vie du sol. Dans son laboratoire, Elisol, spécialisé dans l’analyse biologique des sols, Hélène Cérémonie utilise la nématofaune pour donner une indication de leur fonctionnement biologique. Elle analyse leurs présences dans les horizons 0-10 cm et 10-20 cm. Plusieurs facteurs peuvent intervenir, comme le tassement, les plantes nématicides, les problèmes de qualité de la matière organique. L’indice d’enrichissement renseigne sur le flux d’enrichissement nutritif. Un autre indice mesure la diversité biologique.
Des nématodes parasites des plantes
Les nématodes selon les espèces peuvent parasiter les tiges des plantes, les feuilles ou les racines. Ils peuvent aussi être vecteurs de virus ou créer des kystes. En betteraves, les nématodes à kystes (N. Heterodera) sont des endoparasites sédentaires : ils entrent dans les racines. Les œufs contaminent les larves juvéniles, seul stade infectant. La larve entre dans une jeune racine, ce qui conduit à des excroissances ou gales.
Quant aux nématodes Ditylenchus (nématodes des tiges), ils réalisent une partie de leur cycle dans le sol. Puis ils migrent dans le bulbe et le collet. Ils pénètrent la base des tiges en creusant des cavités. En contamination tardive, le collet peut être atteint.
Éviter le tassement des sols
Quels sont les moyens de lutte possible ? En lutte biologique, certains utilisent des plantes nématicides ou la biofumigation, en maraîchage. Il faut aussi jouer sur la rotation, avec la présence de plantes non hôtes, où la multiplication sera plus faible qu’avec des plantes hôtes. Les plantes tolérantes peuvent multiplier les nématodes mais sans créer de dégâts.
Avoir une grande biodiversité de nématodes limite les dégâts des phytophages. « Il faut viser une quantité en dessous du seuil de nuisibilité », assure la directrice d’Elisol. Ce seuil dépend des espèces et des cultures. Les nématodes à kystes de la betterave peuvent rester jusqu’à douze ans dans le sol. Chaque kyste comprend entre 500 et 1 000 œufs.
Pour assurer une grande diversité de nématodes dans le sol, affirme la biologiste, il faut favoriser des conditions de milieu favorable à leur présence. La réduction du travail du sol et du tassement en fait partie. Le labour induit une réduction du réseau biologique du sol. Les plantes de coupure dans la rotation vont augmenter la diversité des espèces de nématodes, d’où l’importance des couverts végétaux. Au contraire, la monoculture sélectionne un type de nématodes. La fertilisation minérale stimule les bactéries et les communautés opportunistes, créant un déséquilibre transitoire de la communauté des nématodes, alors qu’il faut plutôt rechercher un équilibre.