L’agriculture peut participer à la lutte contre le changement climatique en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre, en séquestrant du carbone atmosphérique ou en substituant aux produits d’origine fossile des produits biosourcés. Pourtant, les agriculteurs ne sont pas rémunérés pour ces externalités positives. Cela pourrait bientôt changer. Avec le Green Deal, qui vise à atteindre la neutralité carbone de l’Union européenne d’ici 2050, la Commission envisage de mettre en place des paiements de la PAC sur le carbone séquestré. Les efforts réalisés pour émettre moins de carbone pourraient être aussi valorisés par la vente de certificats à des entreprises ou des collectivités. C’est tout l’enjeu du label bas carbone.
1 – Qu’est-ce que le label bas carbone ?
Le label bas carbone a été lancé en avril 2019 par le gouvernement. C’est un outil qui cherche à favoriser l’émergence de projets permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une situation de référence. Ces projets doivent aller au-delà de la réglementation et de la pratique courante. Ils peuvent recouvrir l’introduction de nouvelles technologies, des changements de systèmes, de comportements ou toute autre action. L’objectif est de rémunérer la diminution des émissions ou la séquestration de carbone faite par une exploitation agricole, après la mise en place de ces nouvelles pratiques.
2 – Pourquoi un label ?
Des acteurs publics ou privés sont prêts à payer pour ces externalités positives mais en échange de garanties solides. Le label bas carbone, reconnu par le ministère de la Transition écologique et solidaire, garantit aux financeurs des projets que les actions mises en place permettent bien de réduire les gaz à effet de serre et sont pérennes.
3 – Comment cela fonctionne-t-il ?
Un industriel ou une collectivité peut compenser ses émissions en achetant des crédits carbone. Les réductions d’émissions labellisées peuvent être utilisées dans le cadre d’une démarche de compensation carbone volontaire. En revanche, ces réductions ne peuvent pas servir pour remplir une obligation réglementaire dans le cadre du système de quotas d’émissions du marché carbone européen.
4 – Pourquoi des entreprises achètent-elles des crédits carbone ?
Certaines entreprises, avec une stratégie climat ambitieuse, achètent des crédits carbone de manière volontaire dans le cadre de leur politique RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Ces achats leur permettent d’atteindre une neutralité carbone en compensant leurs émissions. Le plus gros acheteur de crédits carbone en France est le groupe La Poste. Actuellement, les entreprises achètent ces crédits à l’étranger, essentiellement dans des pays en voie de développement (par exemple en participant à la reforestation de l’Amazonie), mais certaines souhaitent compenser leurs émissions sur des projets agricoles français. C’est le cas du groupe de luxe Kering qui finance des projets par l’intermédiaire de la méthode Carbon Agri. Kering déclare être attentif aux pratiques d’élevage des animaux qui représentent plus d’un tiers des impacts environnementaux du groupe avec ses activités dans la maroquinerie.
5 – Quelles actions pourraient être éligibles ?
Deux types d’actions sont concernés par le label bas carbone : éviter des émissions de gaz à effet de serre par des changements de pratiques et augmenter la séquestration de carbone dans les puits naturels, comme les prairies, les haies ou l’agroforesterie. Un certain nombre de leviers de réduction des émissions ont été identifiés. Pour le protoxyde d’azote (N2O), ce peut être la réduction des intrants azotés, les cultures intermédiaires de légumineuses. Pour le gaz carbonique (CO2), les actions s’orientent vers le stockage dans les sols, la mise en place de couverts végétaux, la restitution de digestats et la substitution de ressources fossiles.
6 – Quels sont les projets en cours ?
La méthode Carbon Agri est à ce jour la seule labellisée. Elle a permis à 391 éleveurs de s’engager dans l’amélioration de leurs pratiques pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et d’augmenter le stockage de carbone. Le potentiel de réduction est de 71 000 tonnes de CO2.
La méthode Carbocage, coordonnée par la Chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire, est en cours de labellisation. Elle assure l’évaluation du stockage additionnel de carbone par les haies lorsqu’elles sont bien entretenues. Cette méthode couvrira dans un second temps l’agroforesterie.
Carbon Think est un projet de la région Grand Est qui vise à rémunérer les agriculteurs pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Il devrait concerner une centaine d’exploitations.
La méthode Grandes Cultures est en cours de rédaction. Les organisations des grandes cultures (blé, maïs, oléoprotéagineux et betteraves)* souhaitent la déposer pour labellisation en septembre et tablent sur une validation en fin d’année. Parmi les engagements déjà affichés, l’AGPM ambitionne de générer 1 million de tonnes de crédits carbone à l’horizon 2025.
7 – Quel sera le prix pour la tonne de carbone ?
Le prix de la tonne de carbone des projets labellisés est déconnecté du marché. Il résulte d’un marché de gré à gré entre le porteur de projet et le financeur. Le prix du carbone dépend du coût du projet et de la part redistribuée aux agriculteurs. Pour les premiers projets agricoles et forestiers le prix du crédit carbone tourne autour de 30 à 40 €/t, un prix bien supérieur à celui des projets à l’international qui sont d’environ 5 €/t.
* Le projet est piloté par l’AGPB (Association générale des producteurs de blé), l’AGPM (Association générale des producteurs de maïs), la CGB (Confédération générale des producteurs de betteraves), la FOP (Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux), Arvalis, Terres Inovia, l’ITB (Institut technique de la betterave), l’ARTB (Association de recherche technique betteravière), et corédigé avec Agrosolutions.