Un mois après les premiers bombardements russes sur l’Ukraine et l’arrêt total de l’activité maritime en mer d’Azov et en mer Noire, qui bloque les exportations ukrainiennes comme russes, la pénurie de graines de colza s’installe. Et pour la première fois de l’histoire, les cours du colza ont passé la barre des 1 000 €/t. Le 23 mars, pour la récolte de 2021, le marché physique Fob Moselle affiche déjà 1 009 €/t, le rendu Rouen 1 004 €/t et, sur Euronext, le dernier contrat à échéance de cette récolte s’inscrit à 994 €/t.
Les échéances suivantes, qui concernent la récolte 2022, se situent entre 740 et 770 €/t, mais elles vont probablement grimper dans les semaines à venir. Pour la graine de tournesol, le seuil des 1 000/t est déjà atteint, à 1010 €/t pour les volumes rendus dans les ports de Saint-Nazaire et de Bordeaux. La pénurie est quasi-totale, la Russie et l’Ukraine assurant 80 % de la production mondiale d’huile de tournesol.
Tout concourt à cette flambée historique. Même si l’ouest de l’Ukraine est relativement épargné par la guerre, nul ne sait si les semis de 2022, en colza comme en tournesol, pourront être effectués. Les analystes prévoient au moins un potentiel de perte de 40 %, même si la guerre s’arrête. Les stocks qui ne peuvent être exportés sont soumis à des risques sanitaires élevés ou à des bombardements. Du côté des débouchés, l’huile de colza à Rotterdam a atteint 2 350 $/t, l’huile de tournesol a passé les 2 000 $/t – mais sans disponibilité – l’huile de soja affiche 2 100 $/t et l’huile de palme 1 800 $/t. Tous ces cours volent de record en record.
À l’inverse, les cours du soja restent étonnamment stables. À Chicago, la tonne de soja s’échange autour de 620 $/t. Les deux marchés des oléagineux sont désormais totalement déconnectés et les écarts de prix ne cessent de se creuser. La production mondiale de soja est toujours prévue à 354 Mt, pour une demande évaluée à 360 Mt, mais le ralentissement des achats de la Chine à 94 Mt au lieu de 100 Mt, surtout en Amérique du Sud, pèse sur les cours. Et d’une manière générale, le ralentissement économique mondial dû au conflit russo-ukrainien va finir par peser sur les échanges.