7 000 : c’est environ le nombre de transferts de parts de sociétés agricoles déclarés chaque année aux Safer (sociétés d’aménagement foncier d’établissement rural) depuis 2016. Selon une estimation du Groupe Safer, 65 % de ces transferts sont réalisés entre membres d’une même famille, ou entre personnes déjà associées dans la société faisant l’objet de la vente.
Les 35 % de transferts de parts de sociétés restants seront réalisés entre tiers. Mais certains d’entre eux nécessiteraient un contrôle approfondi pour vérifier le devenir de la société après la cession. Notamment si elle contribue à agrandir des structures de manière excessive.
Agrandissement excessif
Ce sera désormais possible grâce à la loi « Sempastous » ou « portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier au travers de structures sociétaires ».
« Ce mécanisme de contrôle ne complexifiera pas la transmission des exploitations puisque l’ensemble des transferts de parts de sociétés agricoles est déjà déclaré depuis 2016, suite à la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 », assure Emmanuel Hyest, président de la FNsafer. Mais la loi « Sempastous » réintroduira la transparence et l’équité entre agriculteurs porteurs de projets ».
Chaque année, 600 000 hectares sont exploités ou détenus par les sociétés faisant l’objet d’une cession de parts, dont la majorité porte sur des cessions partielles du capital social. Et parmi ces cessions, une partie peut conduire à l’agrandissement excessif d’exploitations au détriment d’agriculteurs à la recherche de foncier pour s’installer ou pour conforter leur exploitation.
Par ailleurs, les prix des transactions sont souvent déconnectés du marché, avec des prix rapportés à l’hectare de terre transmis démesurés.
Droit de préemption
« La Loi Sempastous est le pendant, pour les parts de société, de la loi L 62-933 du 8 août 1962 qui accorde aux Safer le droit de préemption depuis la loi du 8 août 1962 (L. n° 62-933, 8 août 1962) », se félicite Emmanuel Hyest.
Dorénavant, une opération de contrôle sera envisagée si le transfert de parts de sociétés agricoles, « possédant ou exploitant des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole conduira à une prise de contrôle d’une société en conférant la majorité des droits de votes », explique la Safer. Et « l’opération de transfert devra aboutir, par addition de toutes les surfaces agricoles possédées ou déclarées, à dépasser un seuil de surface défini par le préfet de région compris entre 1,5 et 3 fois la surface agricole utile régionale moyenne », ajoute la Fédération nationale des Safer.
Il reviendra aux Safer d’instruire les demandes d’autorisation des opérations sociétaires au nom et pour le compte de l’État (sur la foi des déclarations et des documents fournis par le déclarant). Sans réponse du préfet à compter de la date de réception par la Safer de la demande complète d’autorisation et dans un délai à fixer par décret en Conseil d’État, l’opération sociétaire sera tacitement autorisée. Environ 80 % des opérations devraient s’inscrire dans ce cas de figure.
Sinon, le préfet de département refusera le transfert ou « proposera au déclarant de consentir à prendre des mesures compensatoires en libérant du foncier à la vente ou à la location, explique la FNSafer. C’est en examinant ces compensations que le préfet prendra alors définitivement position sur l’opération notifiée ».
La loi Sempastous est l’aboutissement d’un travail de concertation entre Jean-Bernard Sempastous, député des Hautes-Pyrénées et les principales organisations professionnelles agricoles (Jeunes agriculteurs, la FNSEA, la FNSafer, l’APCA et la Coordination rurale).
À l’Assemblée nationale, le projet de loi a été voté en première lecture à l’unanimité, puis retouchée à la marge par le Sénat. Ensuite, le Sénat et l’Assemblée nationale ont définitivement adopté au mois de décembre dernier la proposition de loi, après avoir conclu un accord en commission mixte paritaire.
La loi « Sempastous » a été promulguée le 23 décembre 2021.
Les décrets d’application ne sont pas encore parus. Le 1er juillet prochain, le gouvernement devra fixer par décret en Conseil d’État les conditions d’application.
Le 1er novembre 2022, chaque préfet de région doit arrêter le seuil d’agrandissement significatif applicable dans sa région.
Au plus tard le 1er janvier 2023, un portail de déclaration devra être mis en place pour recevoir les informations déclaratives et les demandes d’autorisation sur les opérations sociétaires, que celles-ci interviennent avec ou sans le concours d’un notaire.