C’est l’affolement. Les prix des grains évoluent au gré des nouvelles parvenues d’Ukraine où le conflit armé engagé par la Russie menace la sécurité alimentaire de l’ensemble de la planète. La semaine dernière, les prix des céréales battaient chaque jour un record. Le 7 mars dernier, la tonne de blé valait 380 € et celle de maïs, 350 €.
Des pays importateurs font face à des défauts d’approvisionnement, quand ils ne retirent pas tout simplement leurs appels d’offres faute de propositions intéressantes.
Dans les faits, la planète ne manque pourtant ni de céréales, ni d’engrais N, P, K. Mais l’Ukraine, la Russie et la Biélorussie contrôlent une grande partie des marchés de ces commodités.
En temps normal, 29 % des quantités de blé exportées dans le monde sont ukrainiennes et russes, souligne FranceAgriMer. Pour le maïs et l’orge, les proportions sont respectivement de 21 % et de 28 %. Par ailleurs, 17 % du commerce mondial des engrais phosphatés est assuré par la Russie et 40 % des potasses exportées dans le monde sont biélorusses et russes.
Dans les semaines qui précédaient le conflit, un volume record de grains (5,1 Mt) a été expédié d’Ukraine, majoritairement du maïs (3,8 Mt) avant que la zone soit décrétée « zone à hauts risques » ne rende le transport maritime inassurable.
Des émeutes de la faim en perspectives
Mais depuis quelques jours, les ports ukrainiens et russes sont à l’arrêt. Or 18 Mt de blé et les 20 Mt de maïs encore en stock en Russie et en Ukraine sont prêtes à être exportées.
Dans le reste du monde, les États-Unis ou l’Australie ne sont pas en mesure de compenser les volumes de grains indisponibles à la vente dans le bassin de la mer Noire, et encore moins la France. Par ailleurs, une partie de la campagne mondiale de maïs se joue dans les prochaines semaines en Amérique du Sud où La Nina pointe de nouveau son nez.
Enfin, les niveaux de prix atteints par les engrais sont les premiers signaux avant-coureurs d’une pénurie d’approvisionnement à venir, menaçant la récolte 2022 et celle de la campagne suivante. Les commandes d’engrais se font toujours par anticipation, près de six mois à l’avance.
Dans les pays émergents, toutes les conditions sont réunies pour qu’émergent de nouvelles « révoltes contre la faim » avec les hausses des prix des céréales et de la farine.
Les pays importateurs de blé sans stocks de réserves (Liban, pays africains subsahariens), qui s’approvisionnent dans le bassin de la mer Noire, rencontrent déjà de sérieuses difficultés. Ils doivent revoir dans l’urgence leur politique d’approvisionnement sans avoir pour autant de nombreuses alternatives qui s’offrent à eux.
Une prochaine campagne commercialisable
Et en Afrique du Nord se profile d’ores et déjà une prochaine campagne 2022-2023 difficile si la guerre en Ukraine se poursuit. Les pays maghrébins importent l’équivalent de deux tiers de leur consommation en blé et pour les approvisionner, le bassin de la mer Noire était devenu leur principal fournisseur. L’Algérie devra de nouveau se tourner vers la France pour se faire livrer du blé. Et le Maroc confronté à un déficit de précipitation sans précédent, sait d’ores et déjà que sa prochaine récolte sera très faible.
Mais y aura-t-il seulement une récolte commercialisable en Ukraine et en Russie l’été prochain ? En Ukraine, l’extension du conflit menace les capacités de production du pays. Les champs de blé deviennent progressivement des champs de bataille. Et les agriculteurs maqueront de gasoil. En Russie, les taxes et les quotas à l’exportation de céréales d’une part et les taux d’intérêt des prêts de campagne de 20 % et plus d’autre part, amputent les capacités de financement de la prochaine campagne des agriculteurs.