La fin annoncée de la vente des voitures thermiques en 2035 va être au centre des discussions sur la révision des modalités du règlement CO2 des véhicules légers, que va lancer la Commission européenne, et qui devra être conclue avant la fin de 2026.
Les discussions politiques porteront notamment sur la poursuite de la vente des véhicules neufs équipés de moteurs thermiques après 2035. La survie des voitures fonctionnant avec des moteurs thermiques ne pourra donc se faire qu’à condition de rouler avec des carburants neutres en CO2. Cette possibilité ne sera toutefois ouverte que si le principe de la neutralité technologique est pris en compte dans la rédaction de cette future législation.
En effet, à ce jour, seuls les véhicules « zéro émission à l’échappement » et ceux fonctionnant avec des carburants de synthèse seraient autorisés à la vente à compter de 2035, à savoir les véhicules électriques et quelques véhicules très haut de gamme, eu égard au coût de ces carburants de synthèse. Mais la finalité de cette réglementation, à savoir l’atténuation du changement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ne peut se résoudre par la simple prise en compte des émissions à l’échappement. Les émissions d’un véhicule (et donc son impact sur le changement climatique) doivent s’apprécier dans leur globalité, de la fabrication du véhicule à son recyclage, en passant par son utilisation. Cette analyse en cycle de vie (ACV) bouscule ainsi la hiérarchie des véhicules les plus vertueux, plaçant les véhicules hybrides (électricité + biocarburants) devant les véhicules 100 % électriques, handicapés par les émissions issues de la phase d’extraction des composants de batterie (1) de grande capacité. Ce différentiel en faveur de l’hybridation sera encore accentué, demain, avec la mise sur le marché d’un superéthanol 100 % renouvelable.
Cette notion de la neutralité technologique est donc une véritable opportunité pour l’éthanol. À l’avenir, des hybrides rechargeables flex-E85 rouleront avec un superéthanol 100 % renouvelable, sans essence fossile. La part essence, qui représente jusqu’à 40 % de l’E85 actuellement (en grade hiver) pourra en effet être remplacée par des coproduits des carburants d’aviation durable (SAF) provenant du carbone biogénique, notamment issu de la fermentation… des betteraves !
« Pour assurer les volumes nécessaires, tous les biocarburants durables y compris ceux de première génération doivent être inclus dans la définition », a déclaré Valérie Corre, présidente de Bioéthanol France (ex-SNPAA), le 3 avril, lors de l’assemblée générale de cette organisation qui rassemble les producteurs industriels d’alcool agricole. « Il n’y a aucune raison réglementaire, scientifique ou économique justifiant la restriction des carburants neutres en carbone aux seuls carburants de synthèse, comme le demandait l’Allemagne avant les élections fédérales de février dernier ». Depuis ces élections, l’Allemagne est en train de changer d’avis et devrait rejoindre les huit états membres, qui demandent que les biocarburants durables soient inclus dans la définition des « carburants neutres en carbone ». Étrangement, la France qui est le premier producteur de biocarburants dans l’UE, n’a pas encore rallié cette position !
Fuir le dogmatisme
Lors des Rencontres du Bioéthanol, qui ont suivi cette assemblée générale, le député européen François-Xavier Bellamy a envoyé un message vidéo de soutien aux acteurs de la filière. En bon professeur de philosophie, il a cité Aristote qui distingue la fin et les moyens. « La finalité, c’est la décarbonation et le rôle des politiques, c’est de donner le cap. Mais quant à la diversité des moyens mis en œuvre pour y parvenir, ce n’est pas aux politiques de se prononcer ». Si l’électrique est destiné à être une technologie importante pour la décarbonation de la mobilité, les véhicules avec un moteur thermique resteront majoritaires pendant encore de nombreuses années ; ce qui rend indispensable la contribution des carburants liquides bas carbone comme le bioéthanol pour « défossiliser » le transport.
[1] Étude des émissions de gaz à effet de serre des véhicules superéthanol-E85 en analyse de cycle de vie, 2022 p.30
Le parc des voitures flex-E85 a augmenté de 8 % en 2024 (400 000 véhicules). Il est composé de 252 000 voitures équipées de boîtiers E85 et de 148 000 flex-E85 d’origine, dont 116 000 Ford !
« Le principal argument de l’E85 est le prix », explique Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 millions d’automobilistes. Un carburant à 0,74 €/l est une bonne affaire pour les automobilistes. Le président de Ford France, Louis-Carl Vignon, annonce un « coût d’usage imbattable de 6 euros aux 100 km avec le Kuga FHEV E85 ».
Preuve de l’engouement du public : une nouvelle pompe E85 est ouverte chaque jour en France. Pour suivre cette tendance à la hausse, « il ne faut pas décrocher sur notre capacité à produire de la matière première – des céréales et des betteraves – met en garde Vincent Guillot, directeur environnement à la CGB. On a besoin de visibilité sur les moyens de production pour que l’on puisse avoir du bioéthanol français. »
On assiste à une forte hausse des importations européennes de bioéthanol provenant des États-Unis depuis 3 ans, a souligné Sylvain Demoures, secrétaire général de Bioéthanol France. Ce carburant arrive surtout par le Royaume-Uni. Les importations sont estimées à 11,5 Mhl (14 % de la consommation UE+UK), soit 622 M€ en valeur. Voilà peut-être une piste à explorer si l’on cherche des contre-mesures pour répondre à l’augmentation des droits de douane mis en place par Donald Trump !