Les États-Unis ont renoncé à leurs outrances douanières mais ils taxent d’au moins 10 % la plupart de leurs importations. De nombreux pays tentent de trouver des ripostes quand des mesures coercitives n’ont pas encore été prises. Sur les marchés monétaires, la réaction a été immédiate. L’affaiblissement du dollar revient à taxer les exportations européennes de grains et à « subventionner » les livraisons américaines vers les pays qui ne les ont pas encore taxées !

Si la guerre commerciale dure, taxer des céréales américaines revient aussi à donner la priorité à d’autres origines meilleur marché, à créer de nouvelles tensions commerciales sur les marchés et à redéployer une partie des échanges mondiaux. Mais les pays exportateurs majeurs de grains sont peu nombreux ! À moyen terme, la France pourrait faire partie des bénéficiaires de ces redéploiements à venir.

Revalorisation soudaine de l’Euro de près de 7 %

Ces trois-quatre dernières semaines, les cours européens des céréales ont ainsi été « parasités » par la revalorisation soudaine de l’euro de près de 7 %. Il a atteint 1,14 dollar, ce qui représente une pénalité déguisée d’environ 10-15 € par tonne de grains. Mais la baisse du dollar est très récente. Sous l’influence de facteurs conjoncturels inhérents aux marchés des céréales, le cours du blé ne s’est replié à Rouen que de 7- 8 €.

Comparée à 2023-2024, la campagne de commercialisation s’achève par un recul important des échanges mondiaux de céréales (40 Mt) en raison notamment du retrait de la Chine qui a réduit ses importations de près de 30Mt.

D’autres pays structurellement importateurs n’ont pas acheté autant de grains que les années passées. La Turquie a réduit de 5,7 Mt ses achats de blé (4,4 Mt) et l’Indonésie de 1,6 Mt (11,4 Mt).

L’Union européenne fait partie des quelques puissances économiques à avoir maintenu ses positions sur les marchés de l’import. 16,5 Mt de maïs sur les 20,5 Mt estimées ont déjà été importées cette campagne-ci. Et parmi les états membres importateurs, l’Espagne est en tête (6,4 Mt auxquelles s’ajoutent les millions de tonnes achetées sur le marché européen). Le premier pays européen producteur de viande de porc achète du maïs en masse pour nourrir son cheptel. Cette campagne-ci, les États-Unis lui ont été d’un précieux recours (2 Mt) après 15 ans d’absence. Mais la nouvelle taxation européenne pourrait les écarter au profit d’autres origines à moins que la parité du dollar n’en annule les impacts.

Selon le conseil international des céréales, aucune réelle reprise des échanges mondiaux n’est envisagée durant la prochaine campagne 2025-2026. Elles sont estimées à 423 Mt, en hausse de 6 Mt sur un an. La Chine puisera de nouveau dans ses stocks les grains qu’elle ne produit pas en quantités suffisantes. Mais ses besoins diminuent aussi chaque année car elle récolte de plus en plus de céréales (450 Mt attendues en 2025-2026 ; + 15 Mt en deux ans).

Dans le reste du monde, les pays structurellement déficitaires tirent les leçons des crises céréalières durant la période de la Covid et de l’entrée en guerre de l’Ukraine pour renforcer leur autonomie et leur sécurité alimentaires.

L’Algérie et l’Arabie saoudite entreprennent la culture de céréales dans leur désert. Le site Ukragroconsult rapporte que l’Égypte a l’intention d’étendre d’1,5 million d’hectares la superficie de terres irriguées, l’équivalent de sa surface actuelle de blé.

L’actualité géopolitique occulte les fondamentaux des marchés céréaliers. Or, dans l’hémisphère nord, la prochaine campagne de commercialisation 2025-2026 se joue dans les semaines à venir. En France, les conditions de cultures du blé « bonnes et très bonnes » (76 %) sont meilleures que l’an passé sans être exceptionnelles. Mais aux États-Unis, le taux de blé d’hiver bon à excellent (48 %) est en revanche inférieur de 6 points. Et en Russie, Ukragroconsult y souligne les conditions climatiques erratiques (chutes de grêle après de fortes chaleurs en mars). Engranger moins de 80 Mt de blé n’est pas exclu.

« L’affaiblissement du dollar revient à taxer les exportations européennes de grains et à « subventionner »
les livraisons américaines »

REPÈRES

423 Mt : échanges mondiaux de céréales en 2025-2026 selon le CIC

20,5 Mt : importations européennes de maïs en 2024-2025

40 Mt : baisse des échanges mondiaux en 2024-2025 comparée à 2023-2024