Un propriétaire foncier doit toujours savoir qui exploite ses terres ! Prenons l’exemple de Pierre, louant une quinzaine d’hectares à Sébastien, mais qui vient de rejoindre une société agricole pour produire du lait, des céréales et des porcs.
Comme Pierre a mis à disposition son bail à cette société, ses associés et lui exploitent dorénavant ensemble ces quinze hectares jusqu’à la fin du bail.
Cette mise à disposition n’est pas une sous-location – interdite par la loi – ni une cession de bail. Pierre reste le seul titulaire du bail signé avec Sébastien. À chaque date anniversaire du bail, il paiera son fermage, à charge pour la société d’indemniser le preneur. Mais ses coassociés et sa société sont tenus indéfiniment et solidairement avec lui de l’exécution du bail.
Pour être en règle avec la législation, Pierre ne peut pas mettre à disposition les quinze hectares de terre loués sans en avoir averti son propriétaire ou obtenu son agrément (voir encadré).
Pour bien encadrer la relation entre le fermier et la société, une convention écrite de mise à disposition s’impose, même si elle n’est pas obligatoire.
Par ailleurs, Pierre et ses associés sont tenus de cultiver les terres louées mises à disposition. Confier en permanence la réalisation de l’ensemble des travaux sur ces quinze hectares à une ETA comporte un risque, notamment de résiliation ou cession de son bail, à un descendant par exemple.
Information ou agrément ?
Les règles de mises à disposition des baux varient selon le statut de la société rejointe. Pour les Gaec, le preneur adhérent peut mettre à disposition tout ou partie des biens dont il est locataire, par simple information au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception. Aucune mention particulière n’est exigée.
Marie-Claire Barbier, avocate au sein du cabinet Terrésa alerte sur le fait que « si le Gaec change de forme juridique, en SCEA par exemple, le preneur devra procéder à une nouvelle information en indiquant les mentions obligatoires qui s’imposent, en fonction de la nouvelle forme sociétaire choisie. »
Pour les EARL et les SCEA, mais aussi les SARL ou SAS à objet principalement agricole dont, dans tous les cas de figure, le capital est majoritairement détenu par des personnes physiques, le preneur doit informer le bailleur dans les deux mois suivant la mise à disposition, par lettre recommandée. Ce courrier devra comporter le nom de la société, la mention du tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée et les parcelles mises à disposition.
Si l’agriculteur n’a pas informé le bailleur, il encourt la résiliation du bail, sous réserve que le bailleur l’ait mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, et que cette absence soit de nature à l’induire en erreur.
Durant cette mise à disposition, chaque modification apportée au bail fera l’objet d’une nouvelle information. Mais pour ne pas être embarrassé par des questions de dénomination, Pierre ne mentionnera pas, à l’entête de ses courriers, l’intitulé de la société (EARL, SCEA etc), car tout changement de forme juridique conduirait à reconsidérer l’ensemble des mises à disposition. Pierre serait alors de nouveau contraint d’informer l’ensemble de ses propriétaires ou de demander leur agrément.
Pour les sociétés détenues majoritairement par des personnes morales et à vocation principalement agricole, Pierre devra obtenir l’agrément préalable du bailleur pour mettre à disposition les terres qu’il loue, « sous peine de résiliation du bail si cette contravention est de nature à porter préjudice au bailleur », explique Marie-Claire Barbier.
Le preneur fera sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception, deux mois avant la date d’effet de la mise à disposition. Cette demande précise le nom de la personne morale et doit être accompagnée des statuts de la société et des références des parcelles mises à disposition. C’est aussi par lettre recommandée avec accusé de réception qu’un changement dans la personne morale ou la fin de la disposition des terres seront annoncés, deux mois suivant ces évènements. De son côté, le bailleur a deux mois pour s’opposer à cette mise à disposition. A défaut, l’accord est réputé acquis.