Cette fois l’affaire est grave : la Commission européenne va traduire la France devant la Cour de Justice de l’Union européenne pour non-respect des dispositions de la directive oiseaux du 30 novembre 2009. En clair, elle reproche à la France de ne pas avoir interdit la chasse à la palombe aux filets. Pourtant notre pays, en bon élève, a déjà supprimé la quasi-totalité des chasses traditionnelles, du vanneau à la grive en passant par les alouettes. Mais ce n’est pas encore assez. L’objectif de la Commission est d’abolir définitivement toutes nos traditions cynégétiques. Cette fois, le morceau est gros à avaler. La chasse à la palombe aux filets dans le Sud-Ouest est une tradition profondément ancrée. A partir du 1er octobre, les « Paloumayres » entrent en forêt. Pendant les mois précédents ils ont longuement réparé les cabanes, aménagé le sol, taillé les arbres pour y poser les appelants. Ils entrent en chasse comme d’autres au monastère et, pendant cinq à six semaines, vont vivre cachés au fond des bois, le béret sur la tête, l’appeau en bouche, les yeux vrillant le ciel à la recherche des vols tant attendus.
Dans la palombière, c’est une atmosphère conviviale et bon enfant. On invite les uns et les autres à venir discuter devant une boîte de pâté « Lou Gascoun » accompagné d’un bon verre de Médoc ou de Cahors. C’est que le passage n’est pas constant ! Pendant des jours, aucun oiseau bleu à l’horizon. Et puis voilà un vol, puis deux, puis trois. Les oiseaux passent dans un grand souffle au-dessus de l’installation. Les appelants juchés au sommet des arbres battent des ailes. Les palombes vont-elles revenir ? En voilà quelques-unes qui descendent et se posent au-dessus des chasseurs. Il s’agit maintenant de les faire descendre sur la zone des filets. Il y a des appelants au sol dans de petites cages. Bien planqué, un chasseur « roucoule » doucement avec des accents implorants. Un oiseau descend, puis un autre, puis un autre encore. Faut-il rabattre le filet ? Grave débat. Ce serait mieux d’attraper toute la bande, mais en attendant trop il arrive que les quelques oiseaux posés s’envolent. C’est décidé. On tire. « Clac ! » les deux nappes de filet se rabattent, emprisonnant les oiseaux.
Voici comment fonctionnent les pantes. Plus bas, au Pays basque, les pantières sont des filets droits. Juchés sur les collines avoisinantes, des chasseurs lancent des disques blancs quand un vol s’engouffre dans la vallée. Ils imitent des rapaces et ont pour but de faire plonger le vol vers le filet tendu à l’extrémité du passage. Cette fois, les palombes se maillent en percutant le piège. Ces deux chasses magnifiques ne portent aucun préjudice à l’espèce.
Une espèce en pleine expansion
Le pigeon ramier est presque une espèce invasive. Il grouille. À Paris, en pleine ville, il se mêle au pigeon biset. Il niche partout et de plus en plus. Les effectifs ont doublé en vingt ans. La palombe est classée parmi les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD) dans la moitié des départements français.
En Grande-Bretagne, on chasse le pigeon ramier toute l’année. On ignore pourquoi cette espèce prolifère. Il est probable que la culture du maïs dans le Sud-Ouest, et un peu partout en France et en Europe, lui apporte de forts compléments alimentaires. Le pigeon fait deux pontes chaque année chacune comportant deux œufs. C’est un gibier banal pour les chasseurs du nord du pays. Mais en franchissant la Garonne, il s’anoblit : le ramier devient palombe.
1 500 palombières
En Gironde, la chasse à la palombe au filet demeure un art, exercé dans quelque 1 500 palombières.
Près de 20 000 palombes sont capturées par les « paloumayres », Cela représente seulement 20 % des 100 000 qui sont chassées chaque année dans le département. Les 80 000 autres sont tuées au fusil. C’est un prélèvement très mince dans la biomasse. La preuve ? L’espèce continue à flamber. On a compté entre 18,9 et 25,9 millions de palombes en Europe, et une augmentation de 137 % des effectifs nicheurs en France en 2024.
Le président des chasseurs, Willy Schraen, ne mâche pas ses mots : « Une fois de plus, la Commission européenne fait preuve d’un acharnement idéologique insupportable contre la chasse française. » Difficile de le contredire.
La FNC, aux côtés du ministère, va se défendre bec et ongles. Car ce combat dépasse largement le cas de la palombe. Il s’agit de préserver ce qui fait l’identité de la chasse française, contre une technocratie qui rêve de l’effacer à coups de directives et d’interdictions. On ne lâche rien !