« Les pommes de terre, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas », affirme Nicolas de Diesbach, agriculteur à Hendecourt-lès-Ransart dans le Pas-de-Calais. S’il a grandi dans cette culture puisque son père produisait du plant entre 1963 et 1996, il a choisi de l’arrêter dès son installation en raison des pointes de travail qui tombaient en même temps que celles du verger qu’il exploitait également.

Mais en 2015, alors qu’il aidait un voisin à charger un camion, il a eu une « révélation olfactive » : « l’odeur de la pomme de terre a tout d’un coup réveillé ma madeleine de Proust, et j’ai décidé de recommencer ».

Le stockage comme premier investissement

L’exploitation qui était jusqu’alors tournée essentiellement vers les Scop et la betterave a donc pris un vrai virage. Dans le courant de l’hiver 2015, Nicolas réaménage l’ancien bâtiment de son père pour stocker 400 tonnes de pomme de terre et investit dans du matériel de déterrage et de stockage en palox de 2 tonnes. Parallèlement, il prévoit la construction d’un nouveau bâtiment qui permettra de stocker 1 200 tonnes de plus dès la récolte 2017. Des investissements qui se sont chiffrés à 600 000 euros, sans compter le tracteur supplémentaire qu’il a également dû acheter. « Ça serait beaucoup plus cher aujourd’hui », précise-t-il. Et ce n’est pas tout. La culture de la pomme de terre nécessite beaucoup plus de travail que celle du blé, du colza ou de la betterave. Heureusement, son fils Timothée l’a rejoint en 2016. Tous les deux ont monté progressivement la surface implantée à 30 hectares.

Afin de limiter l’investissement et la charge de travail, les deux agriculteurs ont choisi de déléguer la plantation et l’arrachage. D’un point de vue strictement financier, l’investissement dans du matériel spécifique n’était pas rentable. Mais la question est moins évidente quand on intègre la disponibilité du matériel, explique Timothée. « Pour la plantation, ce n’est pas gênant de ne pas pouvoir intervenir exactement quand on veut. Jusqu’au 15 mai, on ne perd pas de rendement », complète son père. Mais pour l’arrachage, c’est une autre histoire. « Ne pas pouvoir récolter au bon moment peut coûter très cher, particulièrement lorsque l’automne est humide comme ce fut le cas ces deux dernières années » précise Timothée. Ce dernier étudie donc la possibilité d’investir dans une arracheuse. Les agriculteurs ont d’ailleurs déjà investi dans une fraise-butteuse. « Cela me permet d’organiser la parcelle comme je l’entends et d’optimiser les interventions suivantes », explique-t-il.

Parallèlement, l’exploitation s’est dotée de l’irrigation. « Même dans le Pas-de-Calais, cela apporte un vrai plus à la culture », affirment les deux agriculteurs. Une partie de l’eau apportée provient des bassins de décantation de la sucrerie de Boiry située 2 km de la ferme. Mais cela ne suffit pas à irriguer l’ensemble du parcellaire. Accompagné par le service irrigation de la chambre d’agriculture du Pas-de-Calais, Timothée a mis en place des forages et un réseau de transport de l’eau. Pour lui, l’installation de l’irrigation est capitale pour la pomme de terre, mais aussi pour pouvoir encore diversifier l’assolement avec d’autres cultures comme le légume de plein champ par exemple, une piste à l’étude pour les années à venir.

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« Même dans le Pas-de-Calais, l'irrigation apporte un vrai plus à la culture » ©Renaud d’Hardiviliiers

Par ailleurs, si la betterave a pendant longtemps été le pilier de l’exploitation, la conjoncture actuelle remet en cause sa place dans les assolements futurs. Il n’envisage pas d’arrêter cette culture si symbolique, mais sa part pourrait être réduite lors des prochains renouvellements de contrat si sa rentabilité continue de se dégrader. « Cette situation est notamment due au plafonnement des rendements lié aux contraintes climatiques et réglementaires. Mais je m’interroge aussi sur les prix des betteraves payés par les sucriers : pourquoi sont-ils toujours moins bons que ceux des autres industriels européens ? », s’interroge-t-il.

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L’exploitation des Diesbach se situe à quelques km seulement de la sucrerie de Boiry. ©Renaud d’Hardiviliiers

Après les pommes et les pommes de terre, le vin

Si Timothée surveille de près la plaine, Nicolas a un petit faible pour les cultures pérennes. La production de pommes est une tradition dans la famille Diesbach depuis la fin de la première guerre mondiale. Elles sont vendues en direct à la ferme, avec des poires, des pommes de terre et du jus de pommes. Plus récemment, il a choisi d’implanter une vigne, en partenariat avec le négoce Ternoveo. Il a ainsi rejoint le collectif des 130 (www.les130.com), qui regroupe un ensemble de vignerons situé entre Saint-Omer (62) et Saint-Quentin (02). La première vendange des vignes d’Hendecourt-lès-Ransart a eu lieu le 15 octobre dernier.

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Les pommes sont vendues en direct à la ferme, avec des poires, des pommes de terre et du jus de pommes. ©Renaud d’Hardiviliiers
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Nicolas a choisi d’implanter une vigne, en partenariat avec le négoce Ternoveo. Il a ainsi rejoint le collectif des 130, qui regroupe un ensemble de vignerons situé entre Saint-Omer (62) et Saint-Quentin (02) ©Renaud d’Hardiviliiers
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Jus de pommes produit par Nicolas de Diesbach ©Vergers d’Artois

Nicolas et Timothée ont donc su faire évoluer leur exploitation pour s’adapter aux changements du contexte économique et climatique.

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Vergers d’Artois

SAU : 220 hectares

Blé : 110 hectares

Betterave : 40 hectares

Pomme de terre : 30 hectares

Colza : 17 hectares

Pois de conserve : 10 hectares

Maïs grain : 11 hectares

Verger : 1 hectare

Vigne : 1 hectare