Le colloque du projet Syppre Champagne s’est tenu le 24 octobre dernier à Bétheny dans la Marne. À côté d’un ensemble de résultats, cet événement a été l’occasion de montrer les différences observées entre les couverts d’interculture mis en place.

Si des couverts d’interculture productifs étaient souvent obtenus sur la plateforme expérimentale du projet Syppre Champagne, des difficultés étaient rencontrées pour obtenir un bon développement des légumineuses. En 2024, avec le recours à du semis direct et grâce aux bonnes conditions d’humidité, les résultats sont au rendez-vous. Mais des observations bien différentes sont faites entre les modalités des deux systèmes comparés sur cette plateforme : le système témoin représentatif d’une rotation locale optimisée, et le système innovant visant la multiperformance, avec un ensemble d’objectifs, dont l’amélioration du bilan carbone.

Des légumineuses bien développées à certaines conditions

Une date précoce, une bonne technique d’implantations, et des conditions d’humidité favorables : ces trois ingrédients étaient réunis pour le couvert à base d’avoine et de vesce velue implanté après l’escourgeon du système innovant. Semé en direct le 16 juillet, le développement de la vesce (photographie 1) est bien plus conséquent que dans la modalité semée le 7 août à la volée puis roulée, après une opération de déchaumage. En revanche, les bonnes conditions d’humidité ont aussi profité aux adventices, présentes en nombre dans la plupart des couverts d’interculture de la plateforme.

Avec un semis direct au 7 août, le mélange à base de moha et de trèfle d’Alexandrie, positionné derrière une orge de printemps, s’est lui aussi bien développé, malgré les repousses de la céréale (photographie 2). La réussite du trèfle sur la plateforme est assez rare pour être notée. Dans le système témoin, pour le couvert d’interculture situé après une orge de printemps, une opération de déchaumage et un semis à la volée roulé ont été réalisés. Le résultat est tout autre. En effet, il est bien difficile de trouver le couvert d’interculture parmi les repousses de la céréale.

Enfin, un dernier mélange a été retenu sur la plateforme, à base de radis chinois, de moutarde, et de vesce de printemps. Des différences significatives de qualité de levée et de développement, en particulier pour la vesce, sont notées entre le semis direct du système innovant (photographie 3) et le semis à la volée du système témoin. Pour autant, la productivité de ce dernier reste satisfaisante compte tenu des moindres exigences du radis chinois et de la moutarde vis-à-vis de la qualité de semis.

Cela illustre bien la nécessité d’adapter le choix de son couvert aux moyens qui peuvent être mobilisés pour le semer. L’investissement dans un mélange de semences enrichi en légumineuses peut être conséquent, il est ainsi primordial d’optimiser les chances de réussir son implantation.

De multiples objectifs pour les couverts d’interculture déployés

Le choix des couverts et de leur conduite se fait aussi selon d’autres critères sur la plateforme expérimentale, dont les cultures présentes dans la rotation, la culture suivant le couvert et l’objectif principal visé.

Un des objectifs du système innovant est de présenter un bilan carbone amélioré par rapport à celui du système témoin. Et pour cela, les couverts d’interculture ont un rôle important à jouer (cf. encadré « 3 questions à… »). Des légumineuses bien développées, telles que la vesce velue ou le trèfle d’Alexandrie, mis en place sur la plateforme en 2024, peuvent conduire à une réduction de la dose d’azote minéral apportée sur la culture qui suivra, et donc à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et un couvert avec une biomasse conséquente comme celui à base de moutarde, radis chinois et vesce de printemps, peut contribuer à une augmentation du stock de carbone dans le sol. Pour ce dernier, le choix du radis chinois s’est fait aussi afin d’en espérer un rôle de piège de l’altise d’hiver et du charançon du bourgeon terminal du colza pour limiter les dégâts sur ce dernier (cf. encadré « L’avis de l’expert »). Son positionnement dans la rotation a été réfléchi de sorte à l’éloigner de la betterave sucrière, du fait de sa capacité à multiplier le nématode à kystes.

Le rôle des couverts est donc central pour participer à la construction de systèmes de culture multiperformants.

Comment peut-on améliorer les bilans carbone en grandes cultures ?

Il est nécessaire déjà d’établir un bilan initial pour voir d’où on part. L’évolution du système visera la diminution des émissions de gaz à effet de serre (les “GES”), essentiellement la fertilisation minérale azotée, avec des choix de culture à faibles besoins en azote. Les légumineuses ont cet avantage, en plus de restituer de l’azote à la culture suivante. On peut jouer aussi sur le choix de la forme d’engrais, l’ajout d’inhibiteurs de nitrification, et toujours raisonner les doses apportées au plus près avec la méthode du bilan et du pilotage. D’autres leviers vont davantage viser le stockage de carbone dans le sol, objectif plus difficile à atteindre en grandes cultures. Les apports de fertilisants organiques peuvent être un levier puissant, mais sous réserve d’accès à une offre disponible.

Peut-on miser sur une contribution des couverts ?

C’est un levier essentiel pour produire de l’humus. L’application des programmes d’action de la directive nitrates fait que les intercultures longues sont déjà bien couvertes. L’introduction de nouvelles cultures de printemps peut amener de nouvelles opportunités. Mais c’est surtout la maximisation de la productivité des couverts qui sera efficace, et qui optimisera d’ailleurs aussi son effet de limitation des pertes d’azote.

Quelles sont les pratiques à privilégier ?

Surtout la durée de végétation, en misant sur des semis précoces dans nos climats tempérés, plus que sur une prolongation hivernale. Dans le dispositif Syppre, les couverts sont implantés dès le début du mois d’août, et sont composés de plusieurs espèces. Comme les conditions d’implantation peuvent être délicates, il faudra alors se donner les moyens d’une mise en terre de qualité, en recourant éventuellement au roulage post semis. Et attention au choix variétal pour les crucifères : tardivité obligatoire !

L’altise d’hiver et le charançon du bourgeon terminal sont deux ravageurs du colza qui peuvent causer beaucoup de dégâts avec des baisses importantes de rendement. Pour diminuer la pression de ces deux ravageurs d’automne sur les parcelles de colza d’un territoire, l’idée est d’utiliser les surfaces d’interculture pour implanter des couverts avec d’autres crucifères plus attractives que le colza. Des essais ont montré que la navette ou bien le radis chinois présentaient une colonisation des plantes plus importante que d’autres crucifères telles que la moutarde blanche ou la cameline.

Pour faciliter la gestion du couvert, le choix du radis chinois a été fait. Il est donc testé en association avec quelques règles à suivre : la levée des intercultures et des colzas doit se faire à la même période sur une surface équivalente dans un périmètre de 1 km, une densité de 20-25 pieds/m² doit être assurée, et le couvert doit être détruit mécaniquement avant l’hiver pour couper le cycle des ravageurs.

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