Dans son dernier rapport mensuel, le Conseil international des céréales (CIC) rapporte que la superficie de blé d’hiver semée cet automne dans l’hémisphère nord devrait se contracter, comparée à l’an passé. La faible rentabilité de la culture, combinée à des conditions météorologiques défavorables dans certains bassins de production, est la raison invoquée.

En Russie, le site Sovecon.ru estime d’ores et déjà à 80,1 millions de tonnes (Mt) la production potentielle de blé en 2025 au regard des surfaces emblavées. Le déficit hydrique persiste. Il est le plus élevé des dix dernières années. Dans certaines régions, la céréale ne sera pas assez résistante à l’entrée de l’hiver face à de très faibles températures.

Ces retours n’inquiètent pas les marchés. Les prix des céréales n’ont quasiment pas évolué au cours des deux dernières semaines. La tonne de blé vaut environ 220 € et le maïs plafonne autour de 208 €. Ces cours sont quasiment équivalents à ceux de l’an passé.

Mais en Russie, les mesures susceptibles d’être prises dans les prochaines semaines par le Kremlin pour restreindre les exportations de blé pourraient avoir des impacts commerciaux. Sur le marché intérieur, le cours de la céréale a progressé depuis qu’un prix plancher a été fixé.

À l’échelle de la planète, la campagne de commercialisation 2024-2025 de céréales présente certaines singularités. La contraction de 18 Mt des échanges commerciaux de blé par rapport à 2023-2024 masque quelques redéploiements. Elle ne s’explique pas seulement par une plus faible offre de grains en provenance de l’Union européenne, de Russie ou d’Ukraine mais aussi par une demande plus faible. Des pays structurellement importateurs font moins appel au marché pour s’approvisionner. La production moyen-orientale de blé battant des records (46 Mt source CIC), la région n’en achète pas autant que les années passées (24,6 Mt versus 35 Mt en 2022-2023). La Chine réduit elle aussi ses emplettes (10,7 Mt en 2024-2025) de 3,5 Mt car sa production (140 Mt en 2024) croît chaque année d’autant.

Reconquête des Etats-Unis

La contraction des échanges commerciaux dans le monde masque aussi la reconquête des États-Unis sur le marché mondial du blé (22,4 Mt à l’export), à la faveur d’une production en hausse de près de 10 Mt en deux ans, ou encore la place centrale du Kazakhstan en Asie. En ayant produit 17 Mt, il pourrait en vendre jusqu’à 12 Mt à ses voisins caspiens (+50 % sur un an) et chinois après avoir restreint l’accès de son marché intérieur aux importations russes. Le CIC rapporte aussi le cas de la Turquie. Pour la seconde année consécutive, elle a engrangé une récolte record de blé tendre (21 Mt). Mais en prolongeant les mesures prises au début de la campagne pour protéger son marché intérieur des importations et en interdisant l’exportation de farine fabriquée à partir de blé local, le pays sacrifie son industrie meunière exportatrice. Comme l’ancien empire ottoman importera deux fois moins de grains que l’an passé (5 Mt versus 9,8 Mt), il ne sera pas en mesure de livrer en farine ses clients habituels (le Yemen, le Soudan ou encore l’Irak par exemple).

En fait, une nouvelle organisation commerciale de la farine se dessine. L’Égypte se substitue à la Turquie pour approvisionner le marché oriental et africain. Et certains pays importateurs font aussi le choix d’importer davantage de blé plutôt que de la farine. L’Inde, le pays le plus peuplé au monde, reste la grande absente des marchés mondiaux des céréales. Sa production de blé (113 Mt), la plus élevée au monde après celle de la Chine, croît suffisamment (+2 à 3 % par an) pour approvisionner son marché intérieur, alors que l’empire du milieu demeure le premier pays importateur au monde de grains (45 Mt). Mais ,en Inde, l’élevage ne consomme que 30 Mt de céréales, versus 260 Mt en Chine.