Pas facile de coincer Christophe Mazingarbe ! Entre l’endiverie, la gestion du personnel, les négociations commerciales et le suivi du cours du chicon (actuellement à 2€ le kilo), sans oublier toute la paperasserie… il pointe, facile à plus de 70 heures par semaine. Ce qui n’est pas facile pour son épouse, infirmière de nuit à l’hôpital Jeanne de Flandre à Lille, et leurs trois enfants âgés de 9, 7 et 4 ans. Avec son frère cadet Claude (33 ans) et son cousin Rémy (40 ans), il a repris le Gaec familial en 2016 et, ensemble, ils représentent la quatrième génération de cette famille d’agriculteurs basés à Sainghin-en-Mélantois, à une demi-heure au sud de Lille. Malgré cette charge de travail, il ne changerait de métier pour rien au monde, revendiquant d’être utile au plus grand nombre. « Ma femme soigne les gens, moi je me bats tous les jours pour bien les nourrir en exerçant le plus beau métier du monde », assure Christophe Mazingarbe (37 ans) faisant référence à la certification HVE niveau 3 valorisant sa production depuis 4 ans.

4e génération

Avant de reprendre la ferme avec son frère et son cousin, Christophe a travaillé pendant six ans (2010-2016) comme commercial pour la société Sobac. « Je sortais de mon BTS ACSE et j’ai vendu des produits pour le secteur agricole, mais je savais que je reprendrais la ferme quand mes parents et mes oncles prendraient leur retraite. Cette expérience m’a permis d’apprendre d’autres choses, c’est notamment pendant ces années que j’ai découvert les panneaux photovoltaïques dont nous avons d’ailleurs équipé l’exploitation en deux phases, en 2017 pour une production de 100 Kilowatts crête en revente totale, puis cette année pour une capacité de 275 Kilowatts crête en auto-consommation », précise-t-il.

Mais ce qui l’occupe à temps plein, c’est l’endive. Alors que le cassage des Flexines vient de commencer et que, début novembre, commencera la plantation des Lady Marie, il faut surveiller la croissance des chicons dans la salle de pousse, étape qui dure 21 jours. « La salle de pousse fonctionne à l’hydroponie depuis les années 1990 ; ce sont nos parents qui ont fait ce choix plutôt que de continuer à produire les endives en terre, ça me fait rigoler quand on parle de l’hydroponie comme une nouvelle technique de culture, alors qu’elle existe depuis plusieurs décennies », assure Claude Mazingarbe, qui s’occupe aussi des machines, de l’endiverie et du travail aux champs, tandis que le cousin Rémy est spécialisé dans les cultures et les traitements.

Autre sujet de préoccupation quotidien pour Christophe : la gestion du personnel et, surtout, l’absentéisme au sein de l’équipe de 40 salariés. « Tous les matins, je scrute mon téléphone en espérant ne pas avoir trop de désistements de dernière minute. Ce matin, j’ai eu encore 5 absents. Il y a évidemment les personnes malades ou qui doivent faire face à des imprévus, mais je constate tout de même beaucoup plus d’absentéisme qu’il y a quelques années et pas toujours justifié », regrette-t-il.

Transparence des prix

Avec son frère et son cousin, le Gaec Mazingarbe a été sélectionné l’an dernier pour témoigner dans le documentaire « Familles de paysans, 100 ans d’histoire » de Karine Le Marchand sur M6. « Faire partie des 6 familles d’agriculteurs choisies est une opportunité de parler de notre métier qui n’est pas si souvent mis en avant dans les médias », se réjouit-il. L’occasion de mieux expliquer le métier et la fierté de l’exercer malgré ses nombreuses contraintes. L’opportunité aussi de faire de la pédagogie sur les prix des produits et ce que gagnent au final les agriculteurs.

Cette transparence sur les prix est un combat pour Christophe. Il y a deux ans, au moment de l’effondrement des cours à 70 centimes le kilo, il est allé voir la grande distribution locale et notamment Thomas Pocher, adhérent Leclerc dans la métropole lilloise. Ensemble, au sein de l’association Alliances locales, ils ont décidé d’afficher en magasin les différentes composantes du prix des endives au kilo, ce qui revient à l’agriculteur et les marges opérées par le distributeur, « ce qui permet aux consommateurs d’être suffisamment informés pour faire des choix, après chacun est libre de préférer ou non de soutenir les agriculteurs locaux, mais c’est toujours mieux de le faire en connaissance de cause », explique-t-il.

Enfin, malgré une période dérogatoire d’un an supplémentaire pour l’usage du Movento (le Bonalan et le Safari étant désormais interdits), Christophe, Claude et Rémy Mazingarbe se demandent quels produits ils vont pouvoir utiliser en remplacement de cet insecticide. Soucieux de ne pas multiplier les traitements phytosanitaires qui ne sont pas toujours bien compris par les habitants situés à proximité de leur exploitation.