Les nouvelles réglementations relatives à la « finance durable » des entreprises commencent à avoir des impacts pour les exploitations agricoles. Comme les autres secteurs, l’agroalimentaire va être soumis dès 2025 à la réglementation européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui encadre le reporting extra-financier. La CSRD impose aux entreprises de fournir de la donnée en lien avec leur propre activité, mais également en lien avec leur chaîne de valeur : notamment celle des clients et des fournisseurs.

Quels sont les impacts pour les exploitations agricoles, qui sont à l’amont de ces chaînes de valeur ? Une étude de l’Association de recherche technique betteravière (ARTB) éclaire cette question encore largement méconnue des agriculteurs. Pourtant, les agriculteurs commencent à le constater : ils fournissent progressivement un nombre grandissant de leurs données (pratiques et itinéraires techniques notamment) qui servent à alimenter la rédaction des rapports extra-financiers de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur.

Les données des exploitations sur le carbone et sur les pratiques agronomiques permettent aux entreprises de prouver leur performance de durabilité. « Ces éléments vont devenir un passage obligé pour pouvoir obtenir des conditions de financement favorables de la part des institutions bancaires pour les entreprises de l’aval des filières, mais aussi pour les exploitations agricoles », indique le directeur de l’ARTB, Alexis Patry.

Du point de vue de l’agriculteur, ce nouvel impératif de reporting constitue une charge supplémentaire. « L’analyse réalisée pose plus généralement la question de la valeur financière associée à la donnée agricole des exploitations, indépendamment des efforts faits pour poursuivre l’amélioration des pratiques agricoles. Cette donnée a en effet une valeur collective significative pour la chaîne de valeur », ajoute Alexis Patry.

Plusieurs industriels de l’agroalimentaire ont récemment mis en place un retour financier sous forme de prime, qui constitue une première étape de valorisation de la donnée. Des initiatives ont déjà été prises par les trois sucriers français, avec le concept d’agriculture régénérative (Voir BF 1180 page 9). En Belgique, la Raffinerie Tirlemontoise propose des paiements forfaitaires à l’exploitation pour la déclaration de données sur les pratiques agricoles. La première option rémunère à hauteur de 50 € par exploitation un formulaire de 10 questions sur les pratiques agroécologique (couverts, labours, …) ; et la seconde option, plus détaillée, rémunère à hauteur de 250 € par exploitation la collecte des fiches de culture, de 2023 à juin 2024, d’une seule parcelle de betteraves de l’exploitation représentative des pratiques. L’exploitation peut ainsi obtenir jusqu’à 300 €, uniquement en valorisant ses données.

Si les différents programmes proposés par l’industrie agroalimentaire permettent de financer une partie de la transition des modèles productifs des exploitations, la manière dont ce financement évoluera, une fois ces transitions réalisées, reste encore inconnu. Les critères actuels permettant de toucher une rémunération supplémentaire vont en effet et à terme devenir la nouvelle norme pour accéder au marché. Le monde agricole a donc tout intérêt à s’intéresser à ce dossier pour sanctuariser la valeur des données fournies par les exploitations agricoles.

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Une analyse complète de l’ARTB peut être consultée sur le site www.artb-france.com

C’est quoi la finance durable ?

La finance durable, intégrant à la fois des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), a gagné en importance dans les années 2010. Elle élargit le concept de finance verte (financement de projets respectueux de l’environnement) en incluant également des considérations sociales et de gouvernance.