Intervenir dans les meilleures conditions
Plus le sol sera humide, plus celui-ci sera sensible à la déformation et aux tassements. L’humidité varie en fonction de la profondeur et des capacités de ressuyage du sol. Il apparaît alors important de la diagnostiquer avant l’arrachage s’il y a le moindre doute. En fonction de la profondeur atteinte, les conséquences du tassement seront plus ou moins dommageables. Comme le montre la figure 1, un sol peut apparaître humide en surface et plus sec en profondeur, ne causant pas de dommage à la structure du sol dans les horizons non travaillés mécaniquement. Un mini-profil 3D, comme illustré ci-dessous, est facilement réalisable à l’aide d’un télescopique et informe rapidement sur l’humidité en fonction de la profondeur. Un diagnostic de ce type peut surtout être réalisé quelques semaines après l’arrachage pour détecter d’éventuelles zones tassées.
Limiter la charge à l’essieu
La charge à l’essieu est un facteur déterminant dans la génération de tassement, surtout en ce qui concerne les tassements en profondeur. Il faut réussir à limiter cette charge à l’essieu en augmentant dès que possible le nombre d’essieux sur les machines, qu’il s’agisse des bennes ou, si c’est possible, de l’intégrale. Comme le montre le schéma (figure 2), une intégrale 3 essieux à pleine charge tassera moins qu’une intégrale 2 essieux à pleine charge (contrainte de tassement supérieure à 2 bars à 30 cm de profondeur pour la 3 essieux contre 45 cm pour la 2 essieux). Il faut en effet réfléchir à la charge par roue et, ainsi, ce ne sera pas forcément la machine la plus lourde qui fera le plus de pression sur le sol (et en profondeur). De plus, l’élargissement des pneumatiques n’a pas d’effet sur les tassements profonds.
Les équipements de télégonflage permettant d’abaisser la pression des pneumatiques des bennes et du tracteur (répartissant la surface de contact au sol) sont également de précieux alliés pour limiter le tassement des horizons supérieurs.
Optimiser son trafic dans la parcelle
Avec des charges importantes à l’essieu pour les bennes et l’intégrale, il convient de bien réfléchir à la circulation dans la parcelle. Les expérimentations ont montré que plusieurs passages de roues au même endroit n’aggravent pas le tassement en profondeur (seul le tassement en surface est plus important avec des ornières plus profondes). Dès lors, il apparaît judicieux de réserver des voies de circulation dans la parcelle pour le trajet des bennes jusqu’au silo et jusqu’à l’intégrale (comme illustré sur le schéma figure 3), en empruntant par exemple uniquement les passages de pulvérisateurs jusqu’au silo. En ne dégradant que certaines zones, il ne sera alors nécessaire de retravailler le sol des horizons accessibles que de manière localisée dans la parcelle.
Bien que très théoriques, ces schémas montrent que le trafic dans la parcelle relève surtout du « bon sens paysan ». En effet, un trafic optimisé signifie aussi de vidanger la trémie de l’intégrale dès que cela est possible. Si la machine de récolte circule à proximité du silo ou d’une benne sans être au maximum de sa charge, il sera judicieux de vidanger la trémie et d’éviter un trajet retour à pleine charge, qui augmenterait le risque de tassement et s’avérerait chronophage. Cette opération est d’autant plus intéressante que les intégrales affichent désormais des temps de vidange extrêmement rapides (entre 1 et 2 minutes).
Une année 2023 qui reste exceptionnelle
Tous les agriculteurs betteraviers, les entrepreneurs et gérants de Cuma, ont encore en mémoire les arrachages de l’année dernière qui sont devenus rapidement délicats à partir de fin octobre. Toutefois, la situation de 2023 reste exceptionnelle au regard des années précédentes. Les travaux du projet Prévibest ont permis d’estimer, sur la période 2010 – 2020, la date limite à laquelle un chantier d’arrachage avec une intégrale 2 essieux à pleine charge devenait problématique vis-à-vis du tassement en profondeur et ce jusqu’à la fin de la campagne (voir figure 4 tassement en dessous de la profondeur de labour définie arbitrairement à 20 cm) dans la région de Troyes. La date moyenne sur 10 ans s’établit au 20 novembre, date à laquelle une grande partie de la sole betteravière a déjà été arrachée. Seules deux années (2013 et 2014) montrent des dates limites précoces dans la saison. La tendance de ces dernières années affiche plutôt des dates limites à partir de début décembre. Les résultats avec une intégrale 3 essieux (et des charges à la roue plus faibles) présentent des dates encore plus tardives.
3 questions à Damian Martin, ingénieur en fertilité des sols chez Agro-transfert
Pourquoi les récoltes de betteraves sont-elles devenues particulièrement à risque vis-à-vis du tassement des sols ?
Les récoltes de betterave suivent la tendance actuelle qui est de produire vite et à moindre coût, avec pour résultat la prédominance sur le marché d’un type de machine, l’intégrale, qui réalise à elle seule toutes les tâches d’une récolte de betteraves. Ainsi, les charges à l’essieu des chantiers de récolte tendent à augmenter continuellement depuis quelques années, aggravant directement les risques de tassement des sols au sein des parcelles. Ajouté à cela, l’allongement des campagnes augmente le risque de réaliser des récoltes en mauvaises conditions.
Comment se forme un tassement en profondeur ?
Le principal facteur de la propagation d’une contrainte en profondeur est la charge à l’essieu. Plus celle-ci sera élevée, plus le risque de tassement atteindra une profondeur importante. À cette contrainte s’oppose la résistance mécanique du sol à la compression, principalement déterminée par son humidité : plus le sol est humide, plus il est sensible au tassement. Un chantier de récolte de betteraves présente malheureusement, le plus souvent, ces deux facteurs aggravants.
Pourquoi ces tassements sont-ils si préjudiciables ?
Les tassements en profondeur ne sont pas visibles à l’œil nu, donc difficilement diagnosticables. Toutefois, si un tassement en profondeur est constaté, sa correction ne sera pas aisée : les outils ne peuvent pas aller à certaines profondeurs atteintes par des tassements extrêmes causés par les intégrales à betteraves, il faudra alors compter sur la régénération naturelle : action des vers de terre et du climat.
Piloté par l’ITB, en partenariat avec Agro transfert et Tereos, ce projet d’une durée de trois ans et demi porte sur le risque de tassement en profondeur causé par les arrachages de betteraves. Achevé mi-2024, il visait à élaborer un outil d’aide à la décision permettant d’appréhender les risques de tassement en profondeur et de proposer des leviers et des pistes de réflexion permettant de préserver la structure du sol. De nombreuses simulations historiques ont été étudiées pour juger de l’efficacité de certains facteurs permettant de réduire le risque de tassement. L’outil à destination de tous les professionnels de la filière sera disponible fin d’année 2024, et proposera à l’agriculteur de vérifier si la situation d’arrachage est à risque ou non, ainsi que des leviers pour réduire le risque de tassement.