« La pluviométrie que l’on a connue l’hiver dernier est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », affirme Hugues Becret, betteravier à Toulis et Attencourt (02) et secrétaire général de l’Usaa. Outre les difficultés au cours de la récolte à l’automne, ce sont 5 000 hectares de champs et de pâture qui n’ont pas pu produire au printemps dernier. Et c’est sans compter les inondations qui ont affecté les habitations et les élevages. « Il faut qu’on puisse re-curer les fossés pour que les réseaux hydrauliques fonctionnent correctement à nouveau », a expliqué Hugues Becret à Thomas Campeaux, le préfet du département. Ce dernier lui a affirmé que les agriculteurs avaient tout à fait le droit de le faire à condition de respecter certaines mesures. Effectivement, il s’agit même d’une obligation réglementaire pour les riverains.

Pourquoi ces fossés ne sont-ils donc plus entretenus depuis 20 ans ? « Car les agriculteurs et les habitants des communes ont peur. On a peur d’être amendés, d’être verbalisés, d’être mis en prison », témoigne Hugues Becret en mentionnant les services administratifs de l’État. La réglementation est évolutive et la superposition des textes rend difficile son interprétation. « Nous nous sommes donc rapprochés de la DDT et de l’OFB de notre département. Après avoir échangé sur les règles d’entretien, ils nous ont confirmé qu’il était possible d’entretenir les fossés », rapporte-t-il. Pour lui, tout en n’ayant pas peur de reprendre la main, il est important de travailler dans un bon état d’esprit. « Nous avons aussi agi de concert avec les maires des communes et le Conseil départemental », précise le secrétaire général de l’Usaa, qui s’est également appuyé sur l’expertise d’Hubert Compère, un autre betteravier très au fait des questions environnementales et sur lequel nous avions fait un reportage dans le numéro du BF n°1117.

Rassurer et accompagner les agriculteurs

Par la suite, il fallait communiquer auprès des agriculteurs pour leur redonner confiance et les inciter à curer, dans les règles de l’art bien sûr. « On a fait des webinaires avec les adhérents de l’Usaa et des JA de l’Aisne, on a communiqué sur les réseaux sociaux et dans le journal l’Agriculteur de l’Aisne, on est allés porter ce message lors des réunions de fin de moisson du département ». Mais pour convaincre les agriculteurs, une personne a été déterminante : « s’il y a le moindre souci, vous m’appelez et nous réglerons le problème », a promis le préfet de l’Aisne.

Le début de l’opération a donc été lancé le 19 août. L’Usaa a fait une conférence de presse et une démonstration de curage. Petit à petit, les agriculteurs s’y sont mis. « Seulement 5 ou 6 la première semaine, mais, comme il n’y a pas eu de problème, beaucoup d’autres ont suivi depuis ».

Depuis, l’initiative a essaimé dans d’autres départements, notamment au niveau de la FRSEA des Hauts-de-France. Le 25 septembre, la FNSEA a élargi cette initiative au niveau national. Les agriculteurs qui voudraient curer leur fossé sont invités à se rapprocher de leur fédération départementale. « Nous sommes le département pionnier », se réjouit Hugues Becret qui ne souhaite pas s’arrêter là : « après les fossés, nous allons poursuivre par l’entretien des cours d’eau. Quand on aura fait tout cela, on verra que les inondations sont un peu mieux maîtrisées ».