Un ravageur émergent, tenu à l’œil

Ce coléoptère voit son aire de répartition progresser du sud vers le nord, depuis un premier signalement en Limagne en 2010 (cf illustration), à la faveur d’un climat plus chaud et sec. Les adultes, plus imposants que les autres charançons des grandes cultures, arrivent en début d’été, depuis l’extérieur des parcelles, pour pondre leurs œufs dans les pétioles de betteraves, même jeunes. Leurs larves s’y développent ensuite en creusant des galeries pouvant atteindre la racine et créer une porte d’entrée pour le Rhizopus ; elles occasionnent ainsi des pertes de rendement. De nombreux facteurs culturaux et environnementaux tels que la météo, l’irrigation et la présence d’auxiliaires, pour n’en citer que quelques-uns, influent sur le développement de l’insecte et peuvent limiter ses dégâts sur la betterave (se référer à la fiche bioagresseurs de l’ITB pour davantage de détails).

Modéliser pour anticiper

Bien qu’il n’existe pas à ce jour d’intervention efficace contre le charançon, l’ITB anticipe la mise en place d’une stratégie de lutte intégrée en modélisant l’arrivée du risque. Cette information permettra d’optimiser la surveillance du ravageur tout en aidant à l’identification des facteurs environnementaux conditionnant son activité. Les relevés des cinq dernières années ont servi à recalibrer un modèle de prévision de risque : c’est-à-dire prédire la première ponte ou l’arrivée des femelles déjà prêtes à pondre dans les parcelles de betteraves. L’impact de la température, du vent et de la pluviométrie ont été quantifiés, ainsi que la fenêtre temporelle où ces variables ont le plus d’incidence sur le Lixus. Le « kappa », indicateur de performance, annonce une qualité prédictive correcte de 0,5 à 7 jours. Sur la carte mise à disposition au travers de l’outil « Alerte Charançons », les prédictions ont été traduites en un pourcentage de risque pour tenir compte de l’incertitude associée.

Des partenariats pour une meilleure observation

Depuis 2022, l’ITB a intégré les observations de charançons dans son outil de cartographie épidémiologique. La carte « Alerte Charançons » présente les notations réalisées de manière hebdomadaire au sein du réseau de suivi biologique du territoire. La couleur des points représente le stade de l’insecte : jaune pour les adultes discrets, rouge pour leurs pontes, et violet pour les galeries creusées par les larves dans le collet. Ces mesures sont réalisées par des experts betteraviers de la filière sucrière, mais également de la Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences (FNAMS) sur des parcelles de betteraves porte-graines. En effet, Lixus juncii est polyphage et s’alimente sur les différentes betteraves ainsi que sur les espèces végétales apparentées. Ce partenariat permet de mieux couvrir le territoire et de mettre en commun les travaux de recherche sur la biologie du charançon et sur les moyens de luttes potentiels.

Les travaux de recherche se poursuivent

L’ITB collabore depuis plusieurs années avec la FNAMS, le laboratoire d’éco-entomologie d’Orléans, Cristal Union, Tereos et la chambre d’agriculture du Loiret pour rassembler les expertises de chacun. À partir de 2022, le projet de recherche Ubelix a permis d’approfondir les connaissances sur Lixus juncii. Un nouveau projet pour rechercher des solutions techniques afin de protéger les cultures contre les coléoptères est en cours d’instruction dans le cadre du Parsada (Plan d’action pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures). Il approfondira les premiers résultats d’Ubelix : recherche des lieux d’hivernation, évaluation de nouveaux produits, piégeage de masse, analyse de la sensibilité variétale et des réactions de défense de la plante à la suite d’une attaque de Lixus.