Composés de différents types de craie (gélifractée, à poches ou sous forme de graveluche), les sols champenois se comportent différemment vis-à-vis de l’infiltration ou de la retenue de l’eau. La réalisation de profils et de tests d’infiltration le prouve.
Plusieurs leviers pour accéder à la RU
« Dans les sols de craie, on considère que la réserve utile (RU) est de 2 mm/cm de sol, indique Marion Guillot, conseillère et animatrice GEDA à la Chambre d’agriculture de la Marne. Pour la plupart, ils bénéficient de remontées capillaires qui leur apportent un supplément hydrique. » En moyenne dans la région, l’enracinement d’une céréale atteint 75 cm avec des variabilités comprises entre 38 et 120 cm. En graveluche, calcaire colmaté aux limons, il atteint 47 cm (de 36 à 70 cm). Deux profils de sol, réalisés à quelques kilomètres de distance dans des parcelles de blé, ont permis de constater une concentration du chevelu racinaire sur l’horizon superficiel de terre arable (0 à 17 cm). Ce phénomène s’explique davantage par les conditions climatiques pluvieuses de l’année que par une problématique agronomique (tassement), plutôt visible par une rupture dans la continuité de l’enracinement. Conseiller en agronomie à la Chambre d’agriculture de la Marne, Sylvain Duthoit rappelle « qu’il convient de veiller à ne pas dégrader la structure du sol pour permettre aux racines d’accéder à la RU ». Et de préciser que « la matière organique, même si elle augmente la capacité de stockage de l’eau, ne résout pas toutes les problématiques liées à la circulation de l’eau dans le sol. Elle représente un levier au même titre que les changements de pratiques, l’implantation de couverts agronomiques, etc. »
S’adapter au changement climatique
Pour constater l’influence des pratiques sur le ravinage, des tests d’infiltration de l’eau ont été réalisés dans deux parcelles de betteraves non labourées mais avec des pratiques de préparation différentes : pour la première, semis simplifié dans un couvert (radis, phacélie, moutarde et vesce) détruit en janvier par deux passages de canadien (superficiel et plus creux) puis un passage de herse croskill. Dans la seconde parcelle, le couvert (moutarde, vesce et avoine) a été broyé en janvier avec le passage d’un outil animé et puis mulché avec un vibroculteur avant le semis. Dans les deux cas, le sol se glace (s’abîme et se referme) à chaque apport de 10 mm d’eau supplémentaire. À titre indicatif, il met plus d’une minute et 20 secondes pour absorber 40 mm (10 mm apportés 4 fois à la suite) contre 20 secondes dans le cas d’un sol non travaillé et avec présence de nombreux résidus. La méthode est parlante. « Des a priori agronomiques peuvent être contredits par la réalité mesurée sur le terrain », remarque un agriculteur du groupe. « L’observation du comportement de l’eau dans le sol interroge sur nos pratiques », soulignent d’autres. Sylvain Duthoit complète : « avec l’évolution du changement climatique, le sol doit être capable d’absorber des quantités d’eau de plus en plus importantes dans un laps de temps plus court. Le travail du sol et l’absence de résidus réduisent le potentiel d’infiltration des sols. Il faut trouver le bon compromis pour préserver la structure tout en limitant le nombre de passages de travail du sol. »
En 2023, avec son groupe fertilité des sols, la Chambre d’agriculture de la Marne a réalisé un appel à candidatures pour créer un GIEE émergence. Ce dispositif, d’une durée d’un an, donne accès à des financements qui permettent la réalisation d’animations, d’analyses biologiques, etc. Pour poursuivre ses travaux, le groupe a déposé une demande de reconnaissance du GIEE afin de prolonger de trois ans le plan d’actions autour de la fertilité des sols.
La présence de vers de terre dans le sol est à la fois un bon indicateur de matière organique mais aussi de réserve hydrique. En sol de craie et en production de grandes cultures, la moyenne se situe à 200 vers de terre (anéciques, épigés ou endogés)/m² sur une profondeur de 20 cm. Ceux-ci favorisent la porosité du sol et, par conséquent, la circulation de l’eau et de l’air. « Toutefois, leur absence n’indique pas que le sol est mort », précise Marion Guillot, de la Chambre d’agriculture de la Marne.