La chute des cours des pommes de terre est-elle passagère ou préfigure-t-elle une campagne 2024-2025 avec des prix bas qui ne couvrent pas les coûts de production ?
Mi-août, la tonne de tubercules valait environ 220 €, alors qu’elle se négociait trois fois plus les semaines 22-24, au mois de juin dernier.
« Les industriels avaient alors montré qu’ils étaient prêts à mettre le prix pour s’approvisionner en tubercules », constate Bertrand Achte, président du Gappi, le groupement des planteurs de pommes de terre de McCain.
En France, la surface de pommes de terre implantée le printemps dernier est supérieure de 6 à 7 % par rapport à l’an passé. Le marché est tout à fait capable d’absorber la hausse attendue de la production de tubercules. La prochaine récolte française de pommes de terre sera même à peine suffisante pour couvrir les besoins de la campagne… comme les années passées.
Mais les nouveaux planteurs qui se sont lancés dans leur culture pourraient être tentés d’écouler leur production une fois la récolte achevée, ce qui déséquilibrerait le marché.
« Des cours bas, même temporaires, seront des mauvais signaux pour négocier la grille de prix des nouveaux contrats 2025 à la fin de l’année, redoute Bertrand Achte. Or, le coût d’implantation d’un hectare de pommes de terre a plus que doublé en six ans, ce qui rend la culture de pommes de terre encore plus risquée que par le passé ».
Par ailleurs, la météo n’est pas toujours de la partie. Les rendements stagnent depuis plusieurs années. L’automne passé, les pertes de pommes de terre à la récolte expliquent en partie le manque de pommes de terre pendant la période de soudure aux mois de juin-juillet.
Le printemps dernier, de nombreux planteurs ont éprouvé des difficultés pour semer leurs tubercules. La campagne de plantation s’est étendue jusqu’au 15 juin. Aussi, la campagne de récolte promet d’être longue, avec la crainte d’être de nouveau confronté à des conditions climatiques défavorables.
Attractivité de la culture
L’attractivité de la culture de pommes de terre repose aussi sur la capacité de la filière à proposer des plants de qualité. Cependant, cette année, des agriculteurs se sont plaints de voir une partie de leurs pommes de terre ne pas lever, car les semences avaient pourri dans le sol. Aussi, certaines parcelles sont très hétérogènes, avec des manques de levées de 30 % à 50 %.
En fait, la campagne 2024-2025 sera une campagne test qui permettra de savoir dans quel état d’esprit les industriels établiront leurs programmes d’approvisionnement dans les prochaines années.
La surface de pommes de terre croîtra de 30 000 ha d’ici 2028 (voir article p 4).
Dans les Hauts-de-France, l’ouverture des premières usines de transformation de pommes de terre exerce déjà un appel d’air important. Pour rendre attractives leurs cultures, les industriels devront proposer des contrats rémunérateurs aux planteurs, assortis de conditions sécurisantes pour les nouveaux planteurs en particulier.
« Chacun devra être responsable et vigilant, prévient le président du Gappi. Les industriels devront donner un certain nombre de garanties pour inciter les nouveaux planteurs à investir dans du matériel et dans des unités de stockage ».
Mais leur premier défi à relever sera de bâtir une filière plants ambitieuse, pour s’assurer de fournir aux planteurs des semences de qualité. Mais la production peine à suivre, alors que plus 50 000 hectares supplémentaires seront plantés dans les prochaines années.
« Cet environnement conditionne les perspectives de ce que seront les bases contractuelles pour les années à venir », affirme Bertrand Achte.
Un céréalier engage bien moins de fonds qu’un planteur de pommes de terre, qui peut perdre plus de 7 000 euros par hectare les mauvaises années !