Quelle fébrilité sur le marché du sucre… Il faut dire que, en ce qui concerne les fondamentaux, les incertitudes sont à leur comble à cette période de l’année : la campagne brésilienne commence à ralentir, et la production du Centre-Sud est désormais attendue autour de 40 millions de tonnes (-2 Mt par rapport à l’an dernier), selon plusieurs analystes. En Inde aussi, la production devrait diminuer de 2,7 Mt, si l’on écoute l’analyste Global Data (29,3 Mt).
Mais certains analystes, cet été, se sont concentrés sur les hausses de surfaces, notamment en Thaïlande, en Chine, en Europe et au Pakistan, soulignant que, de ces régions, il pourrait donc y avoir un regain de production bien que, comme l’analyste Marex l’écrivait en juillet : « les productions plus élevées à venir […] ne sont, pour l’instant, que des probabilités sujettes aux conditions météorologiques ». Début juillet, l’analyste Czarnikow a même publié un bilan mondial, pour 2024-2025, avec un excédent surprenant (+8,8 Mt, révisé un mois plus tard à +5,9 Mt), pas du tout en ligne avec les autres analystes (S&P prévoit toujours un déficit de -0,2 Mt, Global Data un excédent de +1,1 Mt).
Un été bien lourd
Dans un climat de déprime généralisé sur les marchés des matières premières (un pétrole à nouveau sous les 80 $/baril et des céréales en souffrance), et avec une monnaie brésilienne qui ne facilite pas les choses (le Réal a perdu 20 % depuis l’an dernier !), cela suffit à changer complètement la manière de voir des spéculateurs. D’une vision équilibrée en début d’été, ils étaient, mi-août, vendeurs-nets de plus de 2 Mt de sucre !
Bref, un été bien lourd, malgré des fondamentaux bien incertains, mais qui commence, désormais, montre des signes de reprise. D’ailleurs, les récents incendies au Brésil, dont les effets réels sur la production du géant sud-américain restent à expertiser, ont fait flamber les cours du brut, signe de la fébrilité à l’œuvre. Un mouvement à suivre dans les semaines à venir. Est-ce ainsi que le marché européen va, lui aussi, évoluer ?
En effet, son évolution a semblé calquée sur le marché mondial cet été. Le marché du spot peine à garder les 600 €/t, une vision théorique puisqu’aucun échange n’a lieu à cette période de l’année. Mais cela confirme que plusieurs observateurs anticipent un excédent de sucre sur le territoire communautaire pour la campagne à venir. Pourtant, rien n’est joué : ce serait oublier que l’on a rarement semé les betteraves si tard dans l’Union européenne, et que la météo, bien pluvieuse, a profité aux feuilles et bien moins aux racines.
D’ailleurs, la Commission européenne vient de réviser à la baisse son rendement prévisionnel européen. Elle anticipe désormais un rendement stable pour l’Union. Si elle arrive à cela, c’est parce que son modèle statistique montre, pour la France, un rendement en progression de 2 % par rapport à la moyenne quinquennale. Cela semble bien optimiste : rappelons que FranceAgriMer, fin juillet, anticipait plutôt un rendement autour de – 5 %… !