Les délégués régionaux de l’ITB ont organisé sept webinaires techniques fin décembre-début janvier. Quelles ont été les principales interrogations des planteurs ?
Les planteurs nous ont beaucoup questionné sur la dérogation néonicotinoïde et les successions culturales possibles. Ils s’inquiètent aussi de savoir si les semenciers pourront tenir les délais de livraison des semences traitées. Je peux les rassurer, car tout le monde est prêt et attend le feu vert pour lancer les enrobages. Les planteurs nous demandent également quelles seront les alternatives quand il n’y aura plus de néonicotinoïdes.
La question de l’augmentation des prix de l’azote les préoccupe également. L’ITB a expliqué comment on peut encore optimiser les apports d’azote. Des abaques permettent de préciser la dose optimale, selon le prix de l’azote et celui des betteraves. On peut ainsi déterminer jusqu’où réduire l’azote sans avoir d’impact négatif sur le revenu.
Enfin, les planteurs sont préoccupés par les attaques de charançons qui remontent vers le nord. Or, il n’y a pas de produits disponibles. Ce problème de charançon est un exemple de l’évolution climatique auquel nous aurons à faire face avec l’arrivée des nouveaux bioagresseurs, au fur et à mesure que des produits phytosanitaires disparaissent.
Comment se présentent les prochains semis ? 2022 sera-t-elle une année à pucerons ?
La présence des pucerons est liée aux conditions hivernales. Quand il fait froid, ils se reproduisent beaucoup moins. Les simulations montrent que l’on ne peut pas exclure des attaques de jaunisse cette année. Et ils sont certainement virulifères, puisque la jaunisse est désormais une maladie endémique en France. C’est pourquoi nous avons encore demandé une dérogation pour utiliser des néonicotinoïdes en 2022. L’ITB conseille à ceux qui ont choisi de ne pas utiliser de néonicotinoïdes de consulter l’Outil d’aide à la décision (OAD) alerte pucerons et de s’abonner aux notes d’informations et aux alertes SMS de l’ITB pour traiter au bon moment.
Quels sont les premiers résultats les plus prometteurs du plan national de recherche et d’innovation (PNRI) ?
Le PNRI recherche des solutions alternatives aux néonicotinoïdes pour combattre la jaunisse. Cela va du renforcement de la connaissance des viroses aux méthodes pour limiter leur impact sur la betterave. Une vingtaine de projets sont en cours depuis l’année dernière. Ils concernent l’agronomie, la génétique, des solutions de biocontrôle, des plantes compagnes ou des champignons endophytes, qui ont des propriétés insecticides. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, mais il faudra certainement combiner différentes actions en 2024.
Un produit de biocontrôle a montré une certaine efficacité en serre, il faut maintenant le tester en situation réelle, développer une méthodologie pour l’appliquer, faire des études technico-économiques, car toutes les solutions que nous proposerons doivent être efficaces et économiquement viables.
Comment allez-vous transposer les premiers résultats trouvés en serre dans les fermes pilotes ?
Les expérimentations, déployées sur 581 hectares, sont menées sur des parcelles entières chez des agriculteurs betteraviers, afin de tester la faisabilité des nouvelles pratiques agricoles en conditions réelles de production. Elles couvrent la totalité des conditions rencontrées en France. Les agriculteurs partenaires cultivent en appliquant les protocoles techniques déterminés par les scientifiques. La force de l’ITB est d’être toujours en contact avec le terrain. À terme, ces fermes pilotes pourront être des plateformes de démonstration et les agriculteurs pourront témoigner auprès de leurs confrères de l’efficacité des pratiques proposées.
Mise à part la jaunisse, quels sont les autres grands défis techniques pour la betterave ?
Le prochain défi est le charançon. Nous y travaillons depuis 2015, mais c’est un insecte encore très peu connu. Nous cherchons à comprendre son mode de vie, son mode de reproduction, ce qui l’attire… Nous avons lancé un programme commun avec les multiplicateurs de semences (Fnams) et les producteurs de betteraves rouges.
Plus largement, l’ITB surveille toutes les maladies. Nous savons que la génétique peut être contournée et qu’il faut se préparer au cas où les solutions chimiques, qui sont soumises à la pression de la société, disparaîtraient de nos itinéraires culturaux.
Nous travaillons sur de nouveaux itinéraires qui doivent être capables de produire des volumes importants et réguliers d’aliments de qualité, à des prix acceptables.
Allez-vous organiser des démonstrations dans les mois à venir ?
L’ITB va coordonner une cession consacrée à la jaunisse lors du congrès mondial de la recherche betteravière, qui réunira 300 chercheurs à Mons, en Belgique, en juin prochain.
Pour 2023, nos équipes préparent deux grands rendez-vous pour les planteurs. Une démonstration de désherbage mécanique Désherb’avenir dans le Loiret en mai, où l’on pourra notamment voir évoluer le robot de l’ITB Farmdroid. Et puis, à l’automne 2023, un grand évènement technique au champ, Betteravenir dans la Somme, avec des démonstration d’arrachage dans le cadre du cycle de salon européen BeetEurope. Mais il n’y aura pas que des machines. Ce sera également l’occasion de communiquer sur les résultats du PNRI et de déployer des méthodes alternatives aux néonicotinoïdes chez les betteraviers pour la campagne 2024… L’ITB prépare un bel événement sur le futur de la filière !