Il n’y a pas de miracle à attendre. Avec 4,4 millions d’hectares de blé d’hiver semés en France l’automne passé, soit 600 000 ha de moins qu’en 2019, seul un rendement moyen de plus de 70 q/ha permettrait d’engranger au moins 30 millions de tonnes (Mt) de grains. Or, Intercéréales a estimé le 5 juillet que selon les prévisions, le rendement national en blé tendre atteindrait 64 q/ha en 2024, soit – 13 % par rapport à 2023.

De son côté, FranceAgriMer souligne chaque semaine des conditions de culture toujours plus dégradées, si bien qu’Agritel n’exclut plus une récolte de 29 Mt et de piètre qualité par endroits. Par ailleurs, la production d’orges (11,3 Mt ; -1 Mt sur un an et – 2,4 Mt par rapport à 2014) ne serait pas fameuse, selon la Commission européenne. Mais les planteurs de maïs peuvent encore compter sur cette céréale pour « sauver » leur campagne.

Trop d’eau et des températures froides en Union européenne (UE) occidentale, chaleur excessive et déficit hydrique en Ukraine mais aussi en Russie, où par ailleurs près d’1,5 million d’hectares de blé a été détruit par le gel au mois de mai dernier : au total, 20 Mt de blé de moins que l’an passé seraient récoltées cet été dans ces trois pays, selon le Conseil international des céréales (CIC). La Russie ne produirait que 82 Mt hors Crimée, l’UE table sur 129 Mt (dont 7 Mt de blé dur) et l’Ukraine 23,5 Mt. Leur disponible exportable serait ainsi de 89 Mt, soit 17 Mt de moins qu’en 2023-2024.

Aussi, l’Australie et l’Argentine sont d’ores et déjà très attendues pour prendre le relais sur les marchés durant la seconde partie de la campagne.

Dans ces conditions, seules 179 Mt de blé seraient commercialisées dans le monde, soit 11 Mt de moins qu’en 2023-2024. Et pourtant, les pays exportateurs majeurs puiseraient dans leurs stocks pour répondre à la demande. Toutefois, l’UE importerait moitié moins de grains car l’Espagne est partie pour en récolter 6,4 Mt de blé, soit 3 Mt de plus que l’année passée.

La rareté ne paie pas

Seuls des prix rémunérateurs compenseraient la faiblesse de la récolte européenne de blé. Or, ils sont équivalents à ceux de l’an passé alors que les marchés étaient bien approvisionnés.

Autrement dit, la rareté ne paie pas… encore ! Après avoir allègrement dépassé le seuil de 250 € il y a six semaines, le prix de la tonne de blé avoisine autour de 220 €. Mais les marchés sont tiraillés par des vents contraires : de bonnes moissons aux États-Unis et au Canada et des récoltes décevantes de l’Atlantique à l’Oural, sans chiffrages encore précis.

Pour le blé dur, la nouvelle campagne débute dans la sérénité. À la Palice, la tonne de grains est cotée 305 €. L’Amérique du Nord pourvoira en grains les pays importateurs. Le Canada, le Mexique et les États-Unis s’apprêtent à engranger 9,7 Mt de grains et à en exporter 6,1 Mt. La Turquie confirme aussi son retour sur les marchés en vendant près d’un cinquième de sa récolte (1 Mt). À eux quatre, ces pays couvriront près des quatre cinquièmes des exportations mondiales de blé dur. Hormis le blé, la Commission européenne reste très optimiste. Davantage d’orges (53 Mt ; +5 Mt sur an) et de maïs (65 Mt ; 2 Mt) seraient récoltées en UE cet été. Un million de tonnes d’avoine de plus serait aussi engrangé (6,8 Mt). En conséquence, les productions de céréales (277 Mt) seraient seulement inférieures de 2,2 % à la moyenne quinquennale.

Toutefois, l’UE peine à s’inscrire dans le scénario de croissance présenté par l’OCDE et la FAO dans un ouvrage commun intitulé « Perspectives agricoles 2024-2033 ».

« La production mondiale de céréales devrait augmenter d’environ 350 Mt par rapport à son niveau actuel pour atteindre 3,2 gigatonnes d’ici 2033 », défendent les deux institutions. Mais l’UE n’engrangerait qu’une vingtaine de millions de tonnes supplémentaires et l’Océanie peinerait à préserver son potentiel de production.

Aussi, ces pays seront moins présents sur les marchés de l’export alors que l’Asie et l’Afrique tenteront de renforcer leur autosuffisance en produisant d’ici 2030 jusqu’à 200 Mt de grains supplémentaires par an (y compris du riz).

L’Ukraine, la Russie et l’UE devraient exporter 17 Mt de moins qu’en 2023-2024

REPÈRES

Production de blé

UE : 129 Mt (dont 7 Mt de blé dur)

Russie : 82 Mt hors Crimée

Ukraine : 23,5 Mt