Dans un contexte de prix élevés, des minorations peuvent être envisagées sur la dose d’apport dans certaines situations, afin de se rapprocher d’un optimum technico-économique. La première étape reste donc de déterminer cette dose avec justesse pour éviter les surcoûts liés aux engrais, et de se positionner dans une situation fiable, pour décider ensuite d’un ajustement ou non.
Les bons réflexes pour obtenir la juste dose d’apport
La réalisation d’une mesure de reliquat sortie hiver à la parcelle est indispensable pour déterminer un conseil fiable. La forte variabilité inter-parcellaire des reliquats sortie hiver peut conduire à une erreur de plusieurs dizaines d’unités d’azote par hectare, si l’on considère une valeur moyenne publiée régionalement.
Le prélèvement doit être réalisé sur trois horizons (0-30, 30-60 et 60-90 cm) sauf si le sol de la parcelle présente un obstacle manifeste à l’enracinement avant d’atteindre les 90 cm. En effet, la prise en compte de seulement deux horizons conduit à sous-estimer l’azote disponible à l’ouverture du bilan, et donc à surestimer la dose d’azote à apporter. Or, la quantité d’azote dans le troisième horizon peut être conséquente. De plus, même si la quantité d’azote mesurée sur deux horizons est plus faible que sur trois, la perte d’azote du reliquat par lessivage, estimée par Azofert®, sera augmentée car la quantité d’azote lixiviée au-delà de 60 cm sera considérée comme perdue. Cela conduit donc à une surestimation du lessivage. Des simulations réalisées par le Laboratoire départemental d’analyses et de recherche (LDAR) pour l’ITB montrent que, sur un sol de limons, l’écart de dose peut être d’environ 10-30 kgN/ha entre une situation où l’on prend trois horizons et une situation où l’on n’en prend que deux. Sous-estimer le reliquat et surestimer le lessivage revient donc à apporter plus d’azote, conduisant en réalité à sur-fertiliser la culture : dans ce contexte, le surcoût en engrais peut être très important, et il ne se traduira pas par un gain de rendement, mais plutôt par une baisse de richesse.
Enfin, l’ITB conseille d’avoir recours à l’outil Azofert® pour déterminer la dose d’azote à apporter, et de prêter une attention particulière à la qualité du remplissage de la fiche d’informations agronomiques. Ce conseil est d’autant plus appuyé pour les parcelles qui reçoivent des produits organiques : il convient d’être vigilant sur le type précis de produit à renseigner, voire d’aller jusqu’à joindre une fiche d’analyses de celui-ci.
Considérer une minoration de la dose d’apport
Avec l’augmentation du ratio entre le prix de l’azote et le prix des betteraves pour la prochaine campagne, et les potentiels défauts d’approvisionnement en engrais, la question se pose de réduire la dose d’apport par rapport au conseil, voire de faire l’impasse sur l’apport d’azote.
L’ITB a mené une étude sur son réseau d’essais (2013-2021 – 98 essais) pour évaluer la perte de rendement associée à une réduction de 40 kgN/ha par rapport à la dose conseillée. Il en ressort que la prise de risque associée à une réduction de la dose est d’autant plus importante que la valeur de la dose conseillée est faible. Au niveau national, les estimations de l’impact moyen sur le rendement d’une réduction de 40 kgN/ha de la dose d’apport sont données dans le tableau ci-contre. La grille renseignée en-dessous donne un exemple de positionnement en calculant la différence suivante :
(Prix de l’unité d’azote × Minoration de la dose apportée) – (Objectif de rendement à la dose conseillée × Perte de rendement betteravier (%) × Prix de la betterave). En effet, selon la situation de chaque agriculteur betteravier, définie selon le niveau de rendement espéré auquel s’appliquera le facteur de perte, les prix de l’azote et des betteraves retenus, la décision pourra être prise de réduire la dose d’azote apportée afin de se rapprocher d’un optimum technico-économique. Plusieurs scénarios vont se dégager. Il y aura des situations où la décision d’une réduction sera facile à prendre, comme par exemple dans le cas d’un potentiel de rendement plutôt faible et d’une dose conseillée élevée. Au contraire, il y aura des situations où le maintien de la dose sera évident, notamment en cas de potentiel de rendement élevé et de dose conseillée faible. Enfin, il y aura des situations intermédiaires, où la prise de décision sera plus délicate, et où pourront éventuellement être envisagées des minorations moindres. Globalement, dans la majorité des situations où la dose conseillée est supérieure à 100 kgN/ha, une réduction de 40 kgN/ha pourra être envisagée.
Par ailleurs, il est important de noter que les résultats présentés correspondent à des valeurs définies par un ajustement optimisé, mais que la variabilité de la réponse de l’azote à la betterave est relativement importante. Des écarts sensibles peuvent être constatés autour de ces valeurs. De plus, une fois le choix d’une réduction d’apport réalisé, du fait de la physiologie de la betterave sucrière, aucune mesure de rattrapage efficace ne pourra être considérée en cours de cycle végétatif.
Enfin, l’ITB déconseille des réductions de doses de plus de 40 kgN/ha, qui peuvent conduire à des pertes de rendement conséquentes, et donc à s’éloigner d’un optimum technico-économique. Il est bien évidemment déconseillé de faire l’impasse sur l’apport d’azote (sauf si la dose conseillée est nulle), et sur les autres éléments nécessaires au développement de la betterave sucrière.
Bien ajuster son mode d’apport
L’ITB rappelle, dans le schéma (figure 2), les principaux conseils pour la réalisation des apports d’azote sur betterave sucrière. Il conviendra d’être prudent, notamment dans les situations où une minoration de la dose a été retenue, d’apporter l’azote dans de bonnes conditions. Pour limiter les pertes par volatilisation, il est conseillé d’enfouir l’engrais dans les heures qui suivent l’épandage. En cas d’apports fractionnés, il est important de réaliser l’apport en végétation avec de l’ammonitrate : l’emploi de solution azotée peut conduire à de fortes pertes. De plus, l’intervention doit être réalisée juste avant un créneau de pluies, afin d’éviter que l’engrais reste en surface et se volatilise en partie.
Le mode le plus adapté pour réduire sa dose d’apport sans compromettre le rendement est de réaliser des apports enfouis localisés. Le conseil habituel considère une minoration correspondant au poste de volatilisation en cas d’utilisation de l’outil Azofert®, ou bien de 10 à 25 %, selon les situations de sols dans les autres cas. Sur la base de l’outil Azofert®, l’ITB a estimé sur 12 essais récents (2016/21) que la bonne valorisation de l’engrais avec ce mode d’apport permet un très léger gain de productivité, et ce avec une réduction de dose employée dans le conseil habituel. Ce mode d’apport permet donc de considérer une réduction sensible de la dose d’azote apportée, en ayant un impact plutôt positif sur la productivité. À l’avenir, il s’agit d’un bon moyen pour se prémunir face à des contextes aussi particuliers que celui de l’année 2022.
Le respect des règles de base pour déterminer la dose d’azote à apporter est indispensable pour limiter les surcoûts en engrais, et se positionner dans une situation fiable pour décider d’une minoration éventuelle de la dose, compte tenu du contexte de prix.
Cette réduction ne devra pas dépasser les 40 kgN/ha et devra être considérée selon la situation de chacun.
Le moyen le plus efficace pour diminuer sensiblement la dose d’apport sans impact négatif sur la productivité est l’emploi de dispositifs d’enfouissement localisé d’azote.