Installé dans l’Yonne, Adrien Beau est passé en agriculture de conservation des sols (ACS) depuis 2017, après avoir pratiqué des semis simplifiés. « Sur mes 80 hectares de blé d’hiver, le vulpin pose le plus de problèmes. Je suis passé à la double application herbicide en automne, avec un premier traitement racinaire 2 jours après semis, puis le second au plus près du stade 3 feuilles, en appliquant les produits dans les meilleures conditions possibles. Au printemps, on réintervient seulement s’il y a des dicots », explique-t-il. Adrien Beau essaie aussi différents leviers pour gérer un stock semencier acceptable de vulpin. « Le premier levier, c’est la rotation. Tant que les parcelles sont propres, je reste sur la rotation blé-colza-orge. Si elles sont sales, j’intercale une orge de printemps, une féverole ou un sorgho en fonction des débouchés possibles. Avec un programme chimique rigoureux, je maintiens le salissement à un niveau correct. Certes, je sais que j’ai une perte financière avec la féverole, qui ne donne pas autant de marge que le blé. C’est maintenant la deuxième année que j’utilise cette succession ». Pour aller plus loin, Adrien Beau a établi un partenariat avec un éleveur en implantant un méteil fourrager fin septembre, à base de seigle, de féverole, de vesce, de lotier et de trèfle blanc. Le vulpin lève dans le méteil au cours de l’automne et le fourrage est ensilé en avril-mai, si bien que le vulpin est exporté avant d’avoir grainé. Ensuite, le méteil est broyé pendant l’été pour gérer les éventuelles graminées qui repartent du pied.
En Agriculture de conservation des sols (ACS), le réflexe est d’éviter le retour trop régulier de céréales à pailles, qui favorisent le salissement. Quelle que soit la région, la pression des graminées adventices diminue dès que des cultures d’été sont intercalées dans la rotation. « Deux cultures d’été successives sont particulièrement efficaces pour gérer les graminées d’automne sur les campagnes qui suivent », note Marine Descamps, animatrice de l’Apad Centre Est (Association pour une agriculture durable).
Couvert d’été étouffant
D’autres groupes en ACS testent les couverts végétaux avant céréales, avec une certaine réussite. Dans le Perche, la gestion des graminées avant un blé d’hiver est améliorée par la mise en place d’un mélange étouffant durant l’été. Les espèces utilisées peuvent être du sarrasin ou du sorgho fourrager. En Bourgogne, l’Apad teste aussi un mélange sarrasin-vesce. Ce couvert, une fois détruit, permet ensuite de semer sa culture sur une parcelle propre en octobre. L’autre levier utilisé consiste à retarder les dates de semis pour casser les cycles des mauvaises herbes, à condition de rester dans une plage de semis raisonnable. « Sur mes terres, je sème le plus tard possible, mais toujours avant fin octobre, car plus tard c’est risqué », estime Adrien Beau.
Les autres solutions possibles en ACS passent par le choix de variétés de blé à développement rapide et à port couvrant. Ou encore par la fertilisation au semis sur le rang pour booster la culture au détriment des adventices. Le passage d’une herse étrille est aussi possible après semis, s’il n’y a pas trop de débris végétaux en surface, en ciblant le stade d’émergence des adventices. La perception des adventices a aussi évolué. « Avant, on n’acceptait aucun vulpin à la récolte. Aujourd’hui, nous devons accepter d’avoir quelques pieds dans les blés », commente Adrien Beau.
Le sol n’est pas neutre
Le réseau Apad s’intéresse aussi aux interactions sol/adventices. Car la présence des graminées adventices pourrait être favorisée par un déséquilibre chimique ou un problème de structure du sol. Selon le chercheur Gérard Ducerf, la présence de vulpin est souvent due à des sols dégradés, lourds et en excès de magnésium. Le ray-grass se retrouve plutôt dans les sols limoneux, humides, compactés où les racines de cette graminée s’implantent sans peine. Selon le chercheur, il est également possible, pour remédier à la compaction de surface, d’apporter du calcaire actif (CaCo3), un amendement cru, à raison d’une tonne pour 10 % d’argile, afin d’alléger les sols et de réduire l’anaérobie, propice à la levée de dormance des ray-grass et des vulpins. De son côté, Adrien Beau teste aussi l’apport de carbonate pour essayer d’aérer ses sols et de baisser le taux de magnésie sans augmenter le pH, qui est naturellement élevé (7.5-8). Il applique la méthode dans ses terres argileuses, drainées et avec une forte infestation en vulpin. Dans le cadre du projet Solutions ACS, Adrien Beau accueille sur sa ferme une plateforme dite satellite avec Marine Descamps, de l’Apad. Cette année, après un blé qui a produit 65 quintaux et avant une orge de printemps qui sera semée fin février ou début mars, ils testent différents couverts : sorgho simple et double densité ; sarrasin simple et double densité ; caméline simple et double densité. Les couverts sont testés pour leurs propriétés à limiter la pousse des vulpins. Ces résultats seront bientôt diffusés dans le réseau de l’Apad.