Fin décembre, l’analyste FoLicht a confirmé son anticipation de déficit mondial sur la campagne sucrière en cours, d’octobre 2021 à septembre 2022, à 3,4 Mt. Après deux campagnes précédentes ayant déjà réduit les disponibilités de 5,2 Mt, cela conduirait à des stocks mondiaux, fin septembre 2022, de 68 Mt. Cela paraît beaucoup, mais ne correspond qu’à 37 % de la consommation mondiale annuelle : le plus bas niveau de réserve en sucre depuis 10 ans.
Néanmoins, depuis la mi-décembre, les spéculateurs se désengagent du marché. Ils restent massivement acheteurs-nets (de plus de 4 Mt), mais dans une proportion deux fois moindre que fin novembre (quasiment 8 Mt). Cette baisse est courante en fin-décembre et début-janvier, et les semaines à venir permettront de voir si cela traduit une réelle orientation de leur part, ou un simple ajustement conjoncturel. On peut déjà néanmoins noter que cette division par deux de leur position à l’achat ne s’est traduite que par une perte de 1,5 à 2 cts/lb. Le sucre brut reste autour de 18 cts/lb, tenu par les prix du pétrole et de l’éthanol notamment.
Côté européen, la plupart des analystes anticipent des surfaces de semis de betteraves, pour 2022, stables, voire en légère baisse par rapport à 2021, malgré la bonne tenue des prix spots (autour de 550 €/t sortie usine française). Mais les délais dans la transmission des signaux de prix aux planteurs, propres à la filière et amplifiés par la faible corrélation entre le prix du spot et les ventes de sucre effectivement contractées, limitent l’attrait de la betterave face à des cultures alternatives en grande forme.
En cas de surface similaire à l’an passé, l’Union européenne devrait, une fois de plus, être déficitaire en sucre sur la campagne 2022-2023, sauf à ce que le rendement moyen européen dépasse de plus de 11 % son rendement moyen quinquennal, ce qui est extrêmement peu probable.
Dans le contexte actuel du marché mondial, et des prix du fret qui restent robustes, les prix européens devraient donc rester fermes. C’est d’autant plus vrai que l’éthanol se tient bien. Alors que beaucoup craignaient que la reprise de la Covid-19 dans l’Union ait un nouvel effet baissier sur l’éthanol, il s’est montré très résistant. Pour la première fois, la reprise épidémique n’a pas fait trembler le cours de l’éthanol carburant, qui reste au-dessus de 80 €/hl, même sur les échéances de l’automne prochain. De telles valeurs correspondent à un équivalent sucre autour de 500 €/t, ce qui est de nature à favoriser ce débouché : on estime qu’environ 23 % des betteraves françaises, tout juste arrachées, seront utilisées à cette fin.