La fermeture prochaine de la féculerie d’Haussimont (Marne) est un coup dur porté à la souveraineté alimentaire de notre pays.
Pour autant, l’impasse dans laquelle se trouve la filière « pomme de terre féculière » ne remet pas en cause son potentiel de développement.
« Au-delà des nouveaux développements dans différents marchés alimentaires, la fécule de pomme de terre trouve aussi des débouchés, qui sont appelés à se multiplier dans les années qui viennent, en substitution de matières premières d’origine fossile. Il s’agit toutefois de développements au long cours », rapporte Mariane Flamary, déléguée générale de l’Union des syndicats des industries des produits amylacés et de leurs dérivés (Usipa).
Par ailleurs, les entreprises de l’industrie amidonnière, dont fait partie l’industrie féculière, sont pleinement engagées dans des démarches de décarbonation. Entre 2015 et 2022, le secteur a diminué ses émissions de CO2 de -16%.
Le coût de la décarbonation de l’industrie amidonnière, à l’horizon de 2030, est estimé entre 1,1 et 1,4 milliards d’euros, selon l’Usipa. Cela passera par une optimisation des procédés industriels et leur conversion à l’électricité. Un recours accru à la biomasse est également prévu.
Concurrence des amidons de céréales
Par ailleurs, la fécule détient des propriétés intrinsèques, qui la différencient des amidons de céréales, avec lesquels elle est souvent en concurrence. Et ces différences justifient son prix plus élevé.
Or, depuis la crise Covid et le ralentissement de l’économie européenne consécutif au retour de l’inflation, la fécule de pomme de terre peine à être valorisée au juste prix. Ses caractéristiques, qui justifient un différentiel de prix avec les autres amidons, sont toujours des critères discriminants, mais la demande a baissé de façon conjoncturelle.
La fécule est employée à l’état natif, précuit ou modifié chimiquement pour être soluble ou plus stable. Par exemple, les molécules d’amidon des pommes de terre peuvent être chargées négativement, pour acquérir des propriétés liantes avec d’autres molécules.
Actuellement, la fécule de pomme de terre est utilisée dans l’agroalimentaire, dans la papeterie, mais aussi dans l’industrie de la chimie et le textile.
D’autres utilisations sont déjà explorées et continuent d’être développées, comme l’explique Marie-Laure Empinet, présidente de la chambre syndicale de la fécule (CSF) : « Dans les secteurs de la pharmacie, de la cosmétique et du plastique, des recherches très actives mettent au point de nouveaux matériaux et de nouvelles substances pour se substituer aux produits similaires issus d’hydrocarburants fossiles ». Des crèmes et des films en plastiques végétaux remplacent déjà des films plastiques ordinaires issus de la pétrochimie.
8 000 ha de moins en cinq ans
Mais dans les champs, les campagnes difficiles s’enchaînent. La production de tubercules a baissé de 500 000 tonnes depuis 2018-2019. Seuls 16 300 ha sont cultivés, soit 8 000 ha de moins en cinq ans. Et surtout, on ne dénombre plus que 1 200 planteurs.
Ces derniers ont subi de plein fouet des périodes caniculaires ou excessivement humides. Au cours des cinq dernières années, les rendements moyens par hectare ont été, par quatre fois, inférieurs à 40 tonnes. En effet, les variétés de pommes de terre féculières, sélectionnées pour être résistantes au mildiou et à des déficits hydriques, sont en partie démunies pour faire face à des périodes caniculaires. Et même si la recherche s’est fortement mobilisée pour proposer des variétés adaptées aux enjeux climatiques dans les prochaines années, bon nombre de planteurs se sont déjà détournés vers d’autres productions mieux rémunérées et moins risquées : pomme de terre de consommation, lin et chanvre par exemple.
Pourtant, d’un point de vue agronomique, la pomme de terre féculière est une très bonne tête d’assolement.
« Actuellement, les capacités industrielles des féculeries sont suffisantes pour supporter une hausse de l’activité de la production », assure Marie-Laure Empinet.
« Si des innovations de rupture apparaissent dans de nombreux secteurs économiques, l’industrie féculière sera en ordre de marche pour chercher des planteurs, contractualiser leurs productions et approvisionner en fécule de nouvelles usines », ajoute la présidente de la CSF. Mais pour rendre la culture de pommes de terre féculières attractive, les planteurs devront être correctement rémunérés et la valeur ajoutée équitablement répartie.