Depuis son installation en 2005 à Chevrières, sur 380 hectares, Yves Langlois-Meurinne s’adapte constamment pour une agriculture durable. « Mais les changements agroécologiques occasionnent des surcoûts que les agriculteurs ne peuvent supporter seuls », argumente-t-il.
Une rencontre avec une élue de Compiègne le persuade de développer les liens entre agriculteurs et communautés territoriales. « Dans le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), les grandes cultures sont absentes. Or, elles concernent une partie importante du territoire », regrette-t-il. Avec 25 agriculteurs motivés pour s’engager dans des pratiques agroécologiques, il constitue l’association « Performances agroécologiques » en janvier 2021. « Nous souhaitons proposer des actions qui soient valorisées financièrement par des partenaires privés du territoire » explique l’entrepreneur. Avec des services rendus pour le climat (stockage de CO2), la biodiversité ou la qualité de l’eau. Ces agriculteurs volontaires proposent de s’engager dans des infrastructures agroécologiques (bandes fleuries, enherbées, haies, implantation de couverts multi-espèces, stockage carbone…). Leur credo : être force de proposition et pragmatiques, avec une évaluation utilisant des outils scientifiques.
À la recherche de paiements pour services environnementaux
Si les élus de la communauté de communes s’avèrent intéressés, la difficulté réside dans l’obtention de financements publics pour mettre en place ces services environnementaux, qui nécessitent des diagnostics agronomiques, de la modélisation, de l’expertise juridique… « Notre groupe ne rentre pas dans une case, comme un bassin d’alimentation de captage (BAC), avec des financements dédiés ». Il faut, dans le même temps, trouver des acheteurs pour ces services, notamment via la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L’association va faire une étude de marché auprès des entreprises du territoire avec l’aide des 4 communautés de communes du pays compiégnois. « Nous visons la vente en circuit court des crédits carbone, en liant l’opération avec une histoire sur le territoire », détaille le planteur.
Accompagné par la société de conseil Peri-G, le groupe suit des formations. Les agriculteurs estiment l’évolution de la matière organique et les crédits carbone potentiels avec le modèle Simeos. Si leur demande de constitution de GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental) n’a pour l’instant pas été retenue, ils n’abandonnent pas, avec pour prochains contacts la Fondation de France et celle du groupe Avril.
Optimiser les charges phytosanitaires et de matériel
En attendant, dans la ferme qu’il cultive avec son frère et un salarié, Yves avance sur les piliers économique et environnement. Ils ont diversifié l’assolement avec du soja (25 ha), du tournesol (30 ha) et de la fétuque porte-graines (25 ha) sur les terres de limons sableux. La sole betteravière (leurs parcelles entourent la sucrerie Tereos !) reste stable avec 60 ha. Seuls 50 hectares de terres argileuses gardent un assolement simplifié blé-orge-colza. « La diversification nous permet de limiter nos intrants, notamment les désherbants », souligne le planteur. Et ce, notamment, en alternant deux cultures d’hiver et deux cultures de printemps.
L’autre poste clé pour limiter les charges reste la mécanisation. L’exploitation est en Cuma intégrale sur 700 ha, mais garde son pulvérisateur. Derniers achats, une moissonneuse-batteuse, avec des cueilleurs adaptés aux tournesols et au soja, et un semoir pneumatique monograine, bénéficiant du plan d’investissement protéines. Il servira aussi pour les betteraves et le maïs.
Depuis quelques années, les frères Langlois-Meurinne diminuent les labours et cultivent des couverts plus diversifiés. Avec un mélange trèfle-vesce-cameline avant maïs ou du radis-trèfle-vesce avant betteraves. Ils les détruisent fin novembre au glyphosate et retravaillent les sols rapidement avec le déchaumeur à dents Horsch Terrano. Ils développent aussi le colza avec des plantes compagnes : féveroles ou fenugrec/lentille. Les deux agriculteurs sont également sensibles au tassement de leur terre. L’arracheuse intégrale de leur entreprise de travaux agricoles (ETA) possède des chenilles. Quant aux bennes pour la moisson, elles restent dorénavant dans les fourrières.
Pour s’adapter à l’agroécologie, les deux frères Langlois-Meurinne développent de nombreuses techniques vertueuses. Ils ont équipé la totalité d’un toit de hangar en panneaux photovoltaïques. Avec une MAEC (mesure agro-environnementale et climatique) Auxiprod, ils se sont engagés à réduire les produits phytosanitaires, herbicides compris. Pour diminuer les doses phytosanitaires, ils récupèrent l’eau de pluie utilisée pour traiter et utilisent au mieux les adjuvants. Cette logique vaut aussi pour l’azote, qu’ils incorporent au semis des betteraves. Côté biodiversité, ils implantent des couloirs non cultivés entre les bois et des bandes fleuries près des habitations. Ils se questionnent enfin sur une valorisation écologique de leurs terres de marais.