Désarroi, manque de considération, injustice sont les mots qui revenaient en boucle au salon Betteravenir chez les entrepreneurs de travaux agricoles concernés par l’épandage de l’herbicide d’Adama en 2021. Plus de 7 000 hectares de betteraves traitées avec des lots non conformes de Marquis avait été détruits, en majorité dans la Marne, mais aussi dans l’Aisne et les Ardennes.
Après deux années de procédure amiable pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi, les entrepreneurs de travaux agricoles ont reçu une proposition de la part d’Adama au début du mois d’octobre. Cette proposition, « à prendre ou à laisser », est basée sur un prix moyen facturé duquel sont soustraites les charges variables, pour ensuite appliquer une décote de 40 % considérant que les entreprises ont subi « une perte de chance » et non un préjudice direct. Le montant proposé par Adama se monte à 78 euros pour un hectare de betteraves arrachées avec une intégrale et 74 euros pour une automotrice. « Ces tarifs sont indécents, et ne couvrent même pas notre annuité de matériel », s’indigne Gérard Maréchal, président de Entrepreneurs des territoires (EDT) Hauts-de-France.
« On est loin des 260 euros retenus sur l’indemnisation des planteurs pour les frais d’arrachage », dénoncent EDT Hauts-de-France et Marne-Ardennes dans un communiqué daté du 4 octobre. Les deux organisations professionnelles fustigent « l’injustice d’une indemnisation à deux vitesses entre planteurs et entrepreneurs ».
Marine Dambrine, déléguée régionale EDT Hauts-de-France ne comprend pas que des frais fixes d’un montant de 185 €/ha aient été déduits de l’indemnisation des planteurs ayant recours à une ETA, et conservés par Adama. « Les ETA n’ont reçu que 78 euros, elles ont été flouées ».
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Pourquoi une telle différence entre planteurs et ETA ?
« Cette proposition ne reprend pas les mêmes bases de calcul que celles établies pour l’indemnisation des planteurs, explique l’organisation professionnelle qui rassemble les ETA. Et pour cause… Les fonds ne proviennent pas de la même caisse. Les planteurs ont été indemnisés par l’assureur d’Adama, alors que les entrepreneurs ayant subi un dommage « collatéral et indirect », selon les mots des experts, vont être indemnisés en janvier 2024 par la maison-mère d’Adama basée en Israël ».
De son côté, la société Adama explique qu’elle n’a pas de lien direct avec les ETA. « On a eu à cœur de recevoir les réclamations des ETA, même si on n’a pas de lien de droit avec les ETA, car elles n’utilisent pas nos produits. Néanmoins, on reconnaît leur préjudice. On a donc eu un dialogue dans le cadre amiable et fait des propositions d’indemnisation. Aujourd’hui, 80 % des ETA les ont acceptées. Certains expriment leur mécontentement et je les comprends », déclarait Simon Cheylan, directeur général d’Adama France, le 26 octobre à Betteravenir.
La société Adama rappelle qu’elle a pris un engagement en juin 2021 d’assurer ses responsabilités, dès que le problème est survenu, et que tous les planteurs ont reçu leur indemnisation en deux échéances (décembre 2021 et printemps 2022). « Nous avons fait tout ce que nous pouvions et tout ce que nous devions en tant que fournisseur », résume Simon Cheylan.
Il n’en demeure pas moins que les ETA – souvent de petites entreprises – sont dans des situations économiques compliquées et que cette affaire risque de laisser durablement des traces.
Le dossier n’est d’ailleurs pas encore clos, puisque trois sucriers estimant avoir subi des pertes de chiffre d’affaires ont lancé des procédures.