J’ai une sympathie particulière pour le fox. Pour une raison simple : une nuit il a mis au ferme un voleur dans mon appartement. Le monte-en-l’air était passé par une fenêtre ouverte et mon fox l’avait acculé devant des rideaux. Réveillé par des aboiements je découvris la scène avec stupéfaction. Le malfrat n’en menait pas large. « Tenez le chien ! » implorait-il avec un fort accent étranger. C’était un jeune garçon vêtu d’un short et d’une veste de treillis militaire. Il avait les pieds nus comme il sied aux grimpeurs de façade. J’ai tenu mon fox et mon visiteur a bondi sur le balcon et agrippé la gouttière. Il a disparu dans la nuit. Le monte-en-l’air appartient à l’aristocratie des cambrioleurs. Ce sont des voleurs élégants comme les aimait Arsène Lupin. Ils ne sont jamais armés et entrent par les fenêtres ouvertes les soirs d’été. Le fox l’avait coincé dès qu’il était entré. C’est un fabuleux chien de garde ! Malheureusement je devais perdre cette chienne, Roxy, peu après. Courant après un chat entraperçu sur un trottoir elle a traversé la rue et s’est fait écraser. Le chat est l’ennemi juré du fox.
Son origine remonte au XVIIe siècle. La race fut créée en Angleterre, probablement par croisement entre des beagles, foxhounds et teckels. On l’utilisait pour chasser le renard (fox) quand, après avoir été fatigué par de grands chiens courants, il rentrait dans son terrier. Il fallait pour cela un chien suffisamment petit pour se glisser dans le conduit et suffisamment courageux pour affronter l’animal.
C’est toujours le chien des déterreurs, qu’il s’agisse du renard ou du blaireau. Il arrive qu’on lui donne du renfort avec des teckels. Le chien doit acculer l’animal. En surface on entend ses récris. Il « suffit » de creuser et d’arriver sur la scène du drame.
Vif-argent
Aujourd’hui le fox nous est proposé en deux modèles : à poil dur ou à poil lisse. On voit aussi beaucoup de Jack Russell et de Parson Russell qui sont de la même famille et très proches. Ce sont des petits chiens très prisés aussi bien des citadins que des campagnards.
C’est du vif-argent et on comprend qu’Hergé ait choisi un fox pour accompagner Tintin dans ses turbulentes aventures. Intelligent, endurant, courageux, le chien a les travers de ses qualités : il est obstiné. Quand il a décidé quelque chose – attaquer un chat, par exemple – vous pouvez toujours le rappeler, il continuera à foncer. Il fait merveille pour la chasse du lapin. Il perce les ronciers et se récrie agréablement. Il est aussi remarquable, voire indispensable, pour la chasse du sanglier. Il met l’animal au ferme et l’asticote tellement que le chasseur peut conclure en sécurité. C’est aussi un chien idéal pour acculer un sanglier blessé. Lui sautant aux « écoutes » (oreilles) ou « aux suites » (testicules), il l’empêche de prendre le large. Revers de la médaille : le malheureux fox se fait souvent découdre. Il est tellement ardent que tôt ou tard il prend un coup de défense. Or ces dents coupent comme des rasoirs. Le petit chien est habile : dix fois, il fera un bond qui le sauvera, mais la onzième sera fatale. Les chiens de sanglier sont couturés comme de vieux grognards.
Le fox est donc surtout un « déterreur », un chien utilisé pour la chasse du sanglier et un « lapinier ». Mais je connais des chasseurs qui l’utilisent comme chien « tout-venant ». Ils le font quêter. Tout s’apprend ! Le fox comprend bien vite que son maître ne dédaigne ni le faisan, ni le perdreau, ni la bécasse, ni le canard. Quand il fouille les joncs il peut faire merveille. On peut aussi lui apprendre à rapporter même s’il a la dent dure.
Bagarres
Côté inconvénients, il a un côté bagarreur qui peut devenir pénible. Quand un autre chien ne lui plaît pas, il peut sauter dessus ou lui mordre une oreille comme pour tester sa réaction. En cas de bagarre, il ne cède jamais. J’ai vu sur une levée qui longeait une rivière un combat tragique. Deux fox s’étaient attrapés. Faute de pouvoir les séparer un chasseur les empoigna et les lança dans l’eau. Aucun des deux ne réapparut : plutôt mourir noyé que lâcher prise !
C’est un chien qui n’aime pas être enfermé seul trop longtemps à la maison. Il se sent abandonné et passe ses nerfs en rongeant les pantoufles, les couvertures ou les édredons. Il lui faut beaucoup d’exercice en compagnie de son maître. Joueur, il saura divertir, mais aussi veiller sur les enfants. Son éducation doit être positive, il pourra montrer les dents si on est brutal. Sur le terrain il a la fameuse « fox-terrier attitude » : il ne renonce jamais. Un comportement qui doit nous inspirer à la campagne comme en ville.
Éric Joly