Comment voyez-vous l’évolution des cours du sucre ?
Le marché européen du sucre va mieux. Depuis le printemps, nous le constatons, avec des prix spot au-dessus de 400 €/t. Notre contractualisation reflète cette évolution positive. Les prochains prix de l’observatoire européen du sucre le montreront. Les prix de l’éthanol étaient, sur le dernier trimestre, supérieurs à 60 €/hl. La hausse est progressive, puisque nous avions environ un tiers de contrats pluriannuels. La dynamique est favorable.
Tereos a enregistré des pertes records l’an passé. Comment va le groupe financièrement ?
Nous venons de publier des résultats en amélioration pour le deuxième trimestre 2019-2020, clos au 30 septembre 2019. Ce trimestre est le dernier à intégrer les prix très bas – 300 euros – de la campagne 2018-2019. Notre chiffre d’affaires a malgré cela progressé de 5 %, à 1,106 milliard d’euros. L’Ebitda a augmenté de 31 %, à 78 M€. Cette dynamique positive va se poursuivre car, à partir du prochain trimestre, nous bénéficierons des nouveaux contrats sucre qui prennent effet en octobre. Nous avons passé le point bas du cycle.
Comment se déroule la campagne en cours pour le groupe ?
Nous prévoyons un rendement en amélioration, dans la moyenne quinquennale. Nous devrions réaliser un peu plus de 120 jours de campagne. Notre outil industriel affiche pour l’heure de très bonnes performances. Nous avons d’ailleurs battu un record historique de production le 29 octobre, avec 144 000 tonnes de betteraves transformées.
Que sera le prix des betteraves 2019-2020 ?
Le conseil de surveillance a annoncé le 15 novembre un prix d’acompte de 20 €/t, payé en deux fois. C’est un prix minimum avant indemnités et primes, intérêts aux parts, dividendes et ristournes. L’année dernière, il était de 19 €/t et les betteraves ont été finalement payées au prix moyen de 25,13 €/t. Le prix final dépendra en particulier des dividendes payés par la diversification, qui seront votés à l’assemblée générale de juin 2020.
Pensez-vous que cela va rassurer les planteurs ?
Le prix final sera connu en juin 2020. Nous sommes maintenant dans une construction du prix qui part d’un prix d’acompte, qui reflète les prix de marché en novembre. Il est ensuite complété chez Tereos par les résultats distribués par l’activité betteravière
et par la diversification. C’est le même fonctionnement que dans les coopératives céréalières. La dynamique positive du marché est donc très importante.
Quel volume de betteraves souhaitez-vous avoir en 2020 ?
Nos usines sont aujourd’hui dimensionnées sur la base des 19 Mt d’engagements que nous avons depuis le 1er octobre 2017. Au cours des deux dernières campagnes, les coopérateurs Tereos concernés par des échéances les ont renouvelés à plus de 99%. Ce volume permet des campagnes de 130 jours. C’est le niveau qui optimise les frais fixes et permet la meilleure rémunération de la betterave. L’année dernière, alors que les marchés n’étaient pas bons, nous avons proposé aux coopérateurs 5 % de retrait. Pour 2020, le conseil de surveillance n’a pas souhaité renouveler cette opération, car le marché est plus porteur.
Où en êtes-vous de votre plan de compétitivité Ambitions 2022 ?
Nous sommes en ligne avec notre objectif de 200 millions d’euros d’ici 2022. Pour nos activités sucrières françaises, cela représentera 60 millions d’euros par an, soit environ 3 euros par tonne de betteraves. Nous commençons à déployer en France des technologies digitales développées ces dernières années au Brésil. C’est le cas de notre algorithme sur l’optimisation du transport des betteraves que nous testons à Attin, Lillers et Connantre, avant un déploiement plus large. Cela doit nous apporter un minimum de 5 % de productivité à terme. La digitalisation de la collecte et les “usines 4.0” pourraient nous apporter un euro supplémentaire. Ce plan de performance est très important pour donner des perspectives et conforter le revenu betteravier.
Comment avance le projet d’ouverture de capital de Tereos ?
Le projet d’ouverture de capital n’est pas un but en soi. La question est de savoir quelle stratégie est la plus porteuse à long terme pour les coopérateurs : le développement ou l’attrition ? Notre stratégie, c’est de faire le maximum pour valoriser la production de nos adhérents. Dans un environnement ultra-concurrentiel, il vaut mieux avoir un groupe fort qui investit plus que ses concurrents dans ses projets d’avenir. Des capitaux minoritaires extérieurs peuvent y contribuer. Le nouveau conseil de surveillance, issu des élections en juin dernier, a décidé de reprendre la réflexion dans les mois qui viennent. C’est une réflexion de long terme.
Pensez-vous que la restructuration va se poursuivre en Europe dans l’industrie sucrière ?
Il faut raisonner différemment dans les pays où il y a des aides couplées : ils n’ont pas intérêt à fermer des sites avant de connaître la future PAC. Ailleurs, la logique est économique. Il y a encore une hétérogénéité selon les bassins, avec dans certains cas des campagnes très courtes ou des problèmes agronomiques. Les restructurations vont donc certainement encore se poursuivre. En ce qui concerne Tereos, nous avons une grande homogénéité dans nos bassins et nos sucreries sont parmi les plus performantes d’Europe. Nous n’avons aujourd’hui pas de raison de fermer d’usine.
Le plan stratégique, qui vient d’être déposé au ministère par l’interprofession AIBS, vous semble-t-il à la hauteur des enjeux ?
Le plan stratégique trace la direction collective sur tous les sujets importants de la filière. Ce travail réalisé en interprofession est primordial, car la France sucrière ne relèvera pas le défi de la fin des quotas en ordre dispersé. Je pense aux enjeux agronomiques, et c’est tout le travail mené notamment avec l’ITB, ou encore médiatiques, comme le fait Cultures Sucre pour la défense de l’image du sucre. Les acteurs de la filière doivent travailler ensemble pour que la filière française reste la première en Europe. Les résultats positifs que nous voyons depuis deux ans sur l’éthanol montrent bien que le travail en interprofession porte ses fruits.
Propos recueillis par Adrien Cahuzac et François-Xavier Duquenne