C’était un vote très attendu. Après des rejets du texte soumis par Bruxelles en Commission Agriculture (ComAgri) et Commission Environnement (ComEnvi), des débats houleux entre les députés de droite et de gauche – avec au milieu le groupe Renew divisé sur la question – le Parlement a adopté le 12 juillet sa position à une très courte majorité : 336 voix pour, 300 contre et 13 abstentions. « Un vote qui ne devrait satisfaire personne et qui ne rend pas la loi plus applicable dans les exploitations agricoles », a commenté le Copa-Cogeca, l’organisation qui réunit les agriculteurs européens et leurs coopératives.

Après ce vote très disputé, les députés européens ont finalement choisi de s’aligner sur la position du Conseil des ministres, qui avait trouvé un compromis le 20 juin dernier. « Malgré les améliorations apportées au volet agricole de la proposition, cette loi reste fondamentalement mal préparée, dépourvue de budget, et restera inapplicable pour les agriculteurs », estime le Copa-Cogeca.

Concrètement, le projet de règlement vise à mettre en place d’ici 2030 des mesures de restauration des écosystèmes sur 20 % des terres et espace marins de l’UE, puis sur l’ensemble des zones abîmées par la pollution ou l’exploitation intensive pour 2050.

Les députés qui ont voté le texte soulignent que le projet de loi n’impose pas la création de nouvelles aires protégées dans l’UE, et qu’il n’empêche pas de nouvelles infrastructures d’énergie renouvelable.

Le communiqué du Parlement précise que la loi ne s’appliquera que lorsque la Commission aura fourni des données sur les conditions nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire à long terme et que les pays de l’UE auront quantifié la superficie à restaurer pour chaque type d’habitat. Le Parlement prévoit également la possibilité de reporter les objectifs en cas de conséquences socio-économiques exceptionnelles.

Un texte vidé de sa substance

Le rapporteur, César Luena (S&D, gauche) a martelé en conférence de presse : « ce texte ne va pas porter préjudice à l’agriculture. Il faut arrêter de faire de l’intox ». Il faisait là référence à un argument maintes fois brandi par le Parti populaire européen (PPE) et les organisations agricoles, qui affirment que le règlement prévoit de « couvrir au moins 10 % des espaces agricoles de l’UE avec des éléments aux caractéristiques paysagères à haute diversité d’ici 2030 ».

Il semblerait donc que cette disposition, qui était inscrite dans la proposition de la Commission, ne soit plus présente dans le texte de compromis, mais rien n’est moins sûr puisque François-Xavier Bellamy (PPE, LR) y faisait toujours référence après le vote en plénière : « contrairement aux fausses informations diffusées par ceux qui l’ont défendu, ce texte exige bien que 10 % des surfaces cultivées en Europe soient mises en friche par exemple. Et elles feront ainsi baisser mécaniquement la production alimentaire dans nos pays », a déclaré le chef de file des députés LR au Parlement.

D’autres dispositions ont aussi évolué, comme une obligation de résultat, qui a été transformée en obligation de moyens.

Commentant le vote du 12 juillet, l’eurodéputée Anne Sander (PPE, LR) déclarait sur Twitter : « le Parlement a choisi d’adopter la position du Conseil sur la restauration de la nature, mais à quel prix ? Le texte est totalement vidé de sa substance et plusieurs questions demeurent ». Le Parlement est maintenant prêt à entamer des négociations avec le Conseil sur la forme finale de la législation. La bataille autour de la restauration de la nature n’est donc pas terminée !

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